Mardi 27 septembre 2022, en soirée, au Théâtre d’Orléans, Vincent Peirani à l’accordéon et le breakdancer Frédéric Faula ont présenté leur spectacle Insight, terme marketing à l’origine : quelque chose comme montrer ce que l’on a toujours su de soi. Et l’accordéoniste comme le danseur retrouvent effectivement l’essence de leur talent, passés auparavant par un solide travail qui leur permet désormais de s’éclater avec bonheur.
Par Bernard Cassat
Vincent Peirani à l’accordéon et Frédéric Faula à la danse. Photo Stanislas Augiris
Les rencontres permettent des dialogues tout à fait créatifs, et le monde du spectacle se nourrit de tels événements. C’est ce qui s’est passé avec Vincent Peirani et Frédéric Faula ce mardi 27 septembre avec leur spectacle Insight. Par hasard, ils ont commencé à s’amuser ensemble, à montrer à l’autre leur art respectif, et très vite, l’idée d’un spectacle a émergé. Moments sur scène qu’ils jouent comme un work un progress. Ils semblent chercher ensemble un rythme, un début, de quoi se mettre en mouvement. Sans un mot, juste par des signes, ils font semblant avec humour de se mettre d’accord, d’inventer sur place des morceaux certainement bien préparés. Pour rappeler que leur travail, leur jeu est avant tout un échange entre deux artistes d’une incroyable technicité.
Deux artistes au sommet de leur art
On connait Vincent, l’accordéoniste aux pieds nus qui participe à de nombreuses formations de jazz. Avec quelques machines discrètes, il a composé des morceaux, points de départ qu’en jazzman averti, il actualise tout le temps par des impros. Le son tout à fait original de cet instrument qui a fait danser des générations entières dans une ambiance très populaire, Vincent Peirani l’ouvre à bien d’autres influences, avec une palette beaucoup plus large et des rythmes qui ne sont plus ceux des danses populaires, mais puisent surtout aux racines de la pop et du jazz mondial. Il entremêle rythmes et mélodies, monte et descend les gammes avec une aisance incroyable et donne à son instrument une puissance efficace.
Frédéric Faula s’empare de la musique, son corps la transcrit en danse dans des mouvements venus de son expérience. Grand danseur de breakdance, genre qui rassemblent de nombreuses formes de danses de la rue toutes très acrobatiques, il retrouve presque instinctivement ses gestes typiques (mouvements saccadés des bras, sauts avec retombées sur une main, le genou contre le coude, etc.) mais les organise pour donner chair à la musique. Ses mains, rapides et élégantes, papillonnent au-dessus de sa tête, ses pieds volent sur le sol ou carrément en l’air, son dos ondule avec puissance, tout cela dans une fluidité, une apparente facilité déconcertante. Comme s’il dessinait la musique dans l’espace, avec une précision sidérante qui n’exclue pas l’humour, les mains qui marquent les temps forts ou l’entrechat final.
Des images étonnantes. Photo Stanislas Augiris
Un dispositif simple, un voile léger en front de scène, matérialise des projections, des traits d’abord, comme des portées musicales que Vincent fait danser, des points-notes aussi, et puis des enregistrements en négatif de Frédéric dansant. Il exploite ce système jusqu’à danser en écho derrière ces projections. A d’autres moments, un jeu de lumières stroboscopiques hache les mouvements du danseur, ce qui rappelle l’origine des danses de la rue. Ces moments très visuels ouvrent encore le spectacle de ces deux artistes champions respectifs dans leur domaine, deux arts de la rue : la breakdance est née sur les trottoirs new-yorkais et l’accordéon a triomphé dans les bals popus. Mais Vincent et Frédéric introduisent magistralement ces deux expressions dans une salle et en font un véritable spectacle, l’accordéon sur la fin prenant l’ampleur d’un orgue d’église pendant que le danseur rivalise avec les plus contemporains de l’expression corporelle.
Le public enthousiaste en a redemandé. Un magnifique moment qui place cette nouvelle saison de la Scène nationale sous d’excellents auspices.