La Directrice artistique de la Compagnie « Le Grand Souk », bien connue dans la région Centre-Val de Loire par tous les amateurs de théâtre, a accordé une longue interview à MagCentre. Premiers pas au théâtre, première mise en scène, première compagnie, les auteurs qu’elle adore, et sa prochaine création en mai.
Propos recueillis par Bernard Thinat
MagCentre : Comment êtes-vous venue au théâtre ?
MR : Au lycée à Toulouse, il y avait un petit théâtre, j’ai monté un spectacle autour de textes de Prévert, et j’étais allé dire à toutes les classes qu’il fallait venir au théâtre tel jour et telle heure. Tout le monde est venu et les professeurs n’avaient personne en classe. Ce qui fait que j’ai été exclue trois jours ! (éclat de rire de MR). Ensuite, j’ai fait le Conservatoire de Toulouse au théâtre Sorano. En même temps, je faisais des études de pharmacie, j’ai eu un 1er Prix de comédie et je suis devenue docteur en pharmacie.
MagCentre : Il fallait alors faire un choix ?
MR : Non ! Je suis montée à Paris. Le matin, j’allais au cours de Jean-Louis Martin-Barbaz, et l’après-midi, je travaillais dans une pharmacie. Je séparais vraiment les deux, personne n’était au courant de mon autre activité, ni au cours Barbaz, ni à la pharmacie. Je me suis mariée, mon mari travaillait au BRGM d’Orléans, puis nous sommes partis en Arabie Saoudite où il avait été nommé. Comme il y avait beaucoup d’enfants, j’ai décidé de créer un spectacle pour eux, ce fut ma première mise en scène au Centre culturel français car dans le pays, toute forme de théâtre était interdite. Ce fut « la Sorcière de la rue Mouffetard » d’après Pierre Gripari, avec des amateurs. C’était très sympa. J’ai ensuite rencontré des italiens qui avaient une grande scène en plein air, et j’ai monté une adaptation de la Strada de Fellini, ce fut ma première mise en scène pour un public adulte.
MagCentre : Et vous êtes revenue à Orléans ?
MR : Bien sûr ! Et avec toute ma naïveté, je suis allé trouver le programmateur jeune public de la Scène Nationale en lui demandant de me programmer. Ce n’était évidemment pas possible (éclat de rire), mais je me souviens qu’il m’a déclaré, je le cite : « Vous avez un enthousiasme et un sourire qui font que les portes vont s’ouvrir, c’est sûr ! ». C’était juste avant 2000. Et c’est là que j’ai rencontré Patrice Douchet (NDLR : Directeur du théâtre de la Tête Noire à Saran), et il a accepté que je monte un spectacle musical pour enfants qui s’appellerait « Ma mère est une sorcière » dans son théâtre. La musique a été créée par Antoine Bernollin qui est un musicien de jazz formidable. On a enregistré au studio de radio France un soir de 18 heures à 3 heures du matin. Cela a été merveilleux et, avec des affiches dans tout Orléans, le spectacle a rempli deux fois la salle de la Tête Noire à Saran.
MagCentre : Après un tel succès, vint alors le temps de la Compagnie, je suppose…
MR : J’ai alors créé une Compagnie amateur qui s’appelait « Les Gens de la lune » et j’ai monté « Histoires d’Hommes » de Xavier Durringer, ce ne sont que des monologues de femmes. Nous étions quatre filles et j’étais la seule à posséder une formation théâtrale. Nous avons joué avec quatre sièges différents, j’avais acheté du tissu noir au marché, j’avais trouvé des halogènes, j’avais bricolé un truc, dans une salle « pourrie » en préfa, juste après un spectacle musical avec deux chanteurs, Florent Gateau et Daniel Prat. Et c’est à partir de là que j’ai commencé à être connue sur Orléans.
Ensuite, j’ai lancé l’idée avec Christophe Thébault d’un festival pour enfants sur trois jours à Beaugency. Il s’est appelé « Place aux Z’enfants » et a réuni 40 artistes. Je me suis engagée à ce que chacun ait un cachet, c’était « chaud » évidemment, j’ai rencontré beaucoup de gens du milieu artistique et théâtral d’Orléans, et c’est là que je me suis liée d’amitié avec Gérard Audax.
MagCentre : Avec le Directeur artistique de « Clin d’œil », on peut tout faire !
MR : Oui, il est très accueillant ! Et c’est à ce moment que mon mari a eu une mission en Jordanie. Un soir, alors que Gérard avait créé un son et lumières à Saint Jean de Braye reprenant la pièce de Shakespeare « Songe d’une nuit d’été », voilà qu’il me propose de me mettre en scène en Jordanie. J’y croyais à peine. Il me demande de choisir un texte, ce fut « Plaza de Mayo un jeudi après-midi » de Jean-Jacques Greneau. C’est une voix de femme accompagnée par un joueur de bandonéon. Et c’est là que j’ai rencontré Jacques Trupin. C’était une « tornade » de jouer avec lui, j’ai adoré ! Il avait composé une musique originale et on a joué en Jordanie. La pièce était en français, mais c’était surtitré en anglais, on avait trouvé beaucoup de sponsors. Le spectacle était magnifique.
MagCentre : Les jordaniens sont venus voir ?
MR : Non car il n’y a pas de théâtre, pas de comédiens en Jordanie. Alors j’ai décidé de monter un spectacle pour enfants. J’ai fait une adaptation de plusieurs contes de Gripari et cela s’est appelé « Sorcières, sorcières ». J’ai fait traduire le texte en arabe, nous étions soutenus par le Ministère jordanien. J’ai pris des photos des personnages, Bachir, Nadia, la sorcière et j’ai envoyé le tout à des enseignants qui racontaient l’histoire aux enfants. J’ai fait venir des comédiens orléanais et on a joué devant des tranches de 500 scolaires, qui certes ne parlaient pas la langue, mais qui connaissaient l’histoire. Les enfants n’avaient jamais vu de théâtre et croyaient que c’était « pour de vrai », ils n’avaient pas la distance nécessaire. Ce sont des moments impossibles à oublier pour toute l’équipe. Au retour en France, j’ai fondé la Compagnie du Grand Souk. C’était en 2011.
A suivre