Avec la sortie du film Le tigre et le président de Jean-Marc Peyrefitte, c’est l’occasion de faire un voyage dans le temps, de se plonger dans cette époque passionnante de notre histoire en découvrant la maison où vécut Clemenceau à Paris.
Par André Degon
« Je ne veux pas vivre en meublé », ainsi s’exclamait Clemenceau qui aurait pu tout aussi bien habiter les palais de la République lorsqu’il était au gouvernement. Il emménagea donc en 1895 au 8, rue Benjamin-Franklin dans le seizième arrondissement de Paris, au rez-de-chaussée d’un petit immeuble sans prétention, dans un appartement de cinq pièces sur jardin dont « l’aménagement avait été conçu pour le travail, le repos et le commerce des amis ». La propriétaire, Madame Morand, sachant le peu de fortune de son illustre locataire, tint à ne jamais augmenter son loyer. Elle avait de plus demandé à ses héritiers d’en faire de même après sa mort. Mais le sort en voulu autrement et après la disparition de la brave propriétaire, l’immeuble fut mis en vente en 1926. Clemenceau en fut contrit, se résolvant à l’idée d’aller habiter sa « bicoque » – c’est ainsi qu’il appelait sa petite maison de campagne en Vendée louée en 1919, au lendemain de la signature du traité de paix de la Grande Guerre. L’immeuble de la rue Franklin fut mis en adjudication. Deux acheteurs se manifestèrent, les pères jésuites de l’école adjacente, Saint-Louis de Gonzague et James Stuart Douglas, un américain, ami et grand admirateur de Clemenceau, propriétaire d’une mine en Arizona et qui donna à sa cité ouvrière le nom du grand homme en témoignage de son estime.
James Douglas et le musée
James Douglas remporta les enchères et Clemenceau put poursuivre sa vie dans son appartement jusqu’à sa mort en 1929. Après sa disparition, une fondation fut créée pour perpétuer son souvenir en conservant intact l’appartement qui devint un musée en 1931 avant que James Stuart Douglas fasse don de l’immeuble à la fondation.
Au premier étage, une « galerie documentaire » expose de nombreux objets, livres, photos, journaux et manuscrits retraçant la vie et l’œuvre du « Tigre ». Mais c’est au rez-de-chaussée dans son appartement où les meubles n’ont pas bougé de place, où les velours aux murs sont identiques que l’on se sent au plus proche de l’homme d’état, on attend sa venue… Dans sa chambre, on découvre ses souvenirs rapportés de nombreux voyages à travers le monde, notamment d’Asie, ainsi que, à gauche de son lit, cette étonnante armoire au style japonisant, travail du célèbre ébéniste Gabriel Viardot réputé pour son éclectisme où la Renaissance le dispute à l’Extrême-Orient. Dans le bureau, la fabuleuse table de travail de Clemenceau en forme de U supportée par huit pieds fait face à la bibliothèque abritant près de cinq mille livres serrés les uns contre les autres jusqu’au plafond.
Œuvre de Viardot également, cette table qui serait inspirée d’un bureau situé dans la bibliothèque de l’abbaye Sainte-Geneviève, occupe, devant l’impressionnante cheminée, la plus grande partie de l’espace. Au bout du couloir qui sépare la chambre de la pièce de travail, une terrasse donne accès à un petit jardin avec vue sur le boulevard Delessert et la Tour Eiffel. Sur la gauche, le haut mur mitoyen sépare le jardin de la fameuse école Saint-Louis de Gonzague qui faillit acheter l’immeuble.
PRATIQUE – Musée Clemenceau, 8, rue Benjamin-Franklin, 75116 Paris (métro Passy ou Trocadéro). Site : www.musee-clemenceau.fr. Tél. : 01 45 20 53 41.
Ouverture – du mardi au samedi de 14h à 17h30. Fermé en août et jours fériés. Tarif : 6 euros ; 19-25 ans : 3 euros ; moins de 18 ans : gratuité. Mise à disposition d’un audio-guide en français et en anglais. Visite-conférence , voir sur le site.