Coup d’envoi ce vendredi 16 septembre 2022 à Vierzon de la toute première biennale féministe du Fonds régional d’art contemporain, dédié à l’architecture. Un évènement intitulé Infinie liberté, un monde pour une démocratie féministe. Une ambition forte de mettre les artistes femmes de tous âges et tous lieux en avant, mais aussi de montrer Vierzon sous un autre jour.
Par Sophie Deschamps
Dès la sortie de la gare, on comprend immédiatement qu’il se passe quelque chose dans la deuxième ville du Cher avec cette broderie rouge monumentale posée sur une énorme pièce de tulle et affichée sur la façade de la maison des cultures professionnelles, où l’on peut lire : « Tant que mon anatomie déterminera mon autonomie, je serai féministe », maxime de l’artiste autrichienne Katharina Cibulka.
Cette oeuvre est le point de départ d’une déambulation à travers la ville et surtout d’un énorme travail de deux ans produit par Abdelkader Damani et ses deux commissaires Marine Bichon et Nabila Metaïr. Le directeur du FRAC Centre Val-de-Loire explique avec fougue que « cette biennale et les prochaines présenteront uniquement des oeuvres de femmes afin de rééquilibrer les collections du FRAC, majoritairement masculines mais aussi pour s’émanciper d’une architecture patriarcale encore trop présente et élitiste. »
Marine Bichon ajoute que « placer la Biennale dans le sillage des féminismes, c’est créer les conditions de réappropriation du réel avec un nouvel imaginaire où les déterminismes patriarcaux disparaîtront à terme.»
La marraine de cette manifestation féministe est Anna Heringer, architecte autrichienne, professeur honoraire de la Chaire UNESCO d’architecture en terre, de cultures constructives et de développement durable. Selon elle « nous devons changer. Devenir plus divers, intuitifs, holistiques, et, oui, plus féminins. (…) Désormais, nous devons concevoir de manière bienveillante et chaleureuse. Si notre design est pensé dans l’amour de la planète et de ses habitants, la durabilité vient naturellement.» Une belle profession de foi alors que les 39 èmes journées du Patrimoine s’intéressent ce week-end au patrimoine durable.
Le choix de Vierzon, est aussi le rappel de la vocation régionale du FRAC et une main bienveillante tendue à une ville moyenne, confrontée à des difficultés économiques et sociales mais qui fait face pour se redynamiser. Ainsi, l’ancien maire Nicolas Sansu a accueilli la proposition du FRAC avec joie : « On est très heureux de faire cette biennale. On veut forcer les gens à réfléchir. On sait qu’ils vont nous en mettre plein la tête, comme ça a déjà commencé sur l’oeuvre (la broderie en face de la gare, NDLR) mais si l’art ne joue pas ce rôle là, on est foutus.» Un constat partagé par Corinne Ollivier, première femme maire de Vierzon depuis le 3 juillet : « Ce projet m’a intrigué au début c’est vrai mais moi ce qui m’a intéressé dès le départ c’est toute la partie féministe. »
Le potentiel d’une énorme friche industrielle
Le premier chapitre de cet évènement L’utopie des territoires a permis à ces 50 femmes, artistes et architectes, d’investir de nombreux lieux de la cité berrichonne à commencer par l’énorme usine désaffectée de la Société française qui a définitivement fermé ses portes en 1995 après avoir produit de nombreux machines agricoles sur 18 000 mètres carrés.
Avant d’arriver sur l’énorme esplanade qui la précède, on découvre la “hutte” de l’artiste française Laure Tixier. Les mâts sont en fait des aiguilles qui rappellent le passé oublié des petites mains ouvrières de la confection, éparpillées et isolées dans la ville.
Mais bien sûr toutes les oeuvres ne rappellent pas le passé ouvrier de la ville. Dans l’usine désaffectée de nombreuses artistes femmes et architectes présentent des oeuvres très diverses à l’instar de Cécile le Talec avec ses Partitions silencieuses. Une longue bande de sable, page blanche éphémère de 21 mètres de long, sur laquelle des pochoirs viennent imprimer des idéogrammes noirs issus des codes oraux des femmes berbères tisserandes du Haut-Atlas marocain. Le tout accompagné d’une bande sonore “traduisant” ces motifs.
C’est aussi la proposition de la pétillante espagnole Maria Mallo Zurdo avec son oeuvre Archipelago, « hommage à la biodiversité et au vivant à travers un mobilier urbain à la fois ergonomique et organique ». Ou bien encore le Dôme de cohabitation de Mireia Luzarraga. Un refuge pour les plantes et les insectes. Deux oeuvres qui rappellent l’importance de l’écologie chez les femmes à travers notamment l’écoféminisme.
Le monde bâti des femmes
La troisième étape de cette Biennale, Le monde bâti des femmes, nous entraîne vers le musée de Vierzon. Comme l’explique Nabila Mataïr, l’une des commissaires « il s’agit ici de découvrir une série d’architectures que nous considérons emblématiques pour penser notre appartenance au monde.» On y découvre notamment des oeuvres de Saba innab comme “architecte de l’impertinence” mais aussi de Renée Gailhoustet et d’Iowa Buczkowska qui proposent de nouvelles façons d'”habiter” et de “construire”.
Et ce n’est pas tout puisque cette Biennale propose aussi le Tiers Féministe, « à la fois forum de débats et de programmation culturelle où visiteur.euses et Vierzonnais.e.s sont invité.e.s à interagir ensemble afin de réfléchir sur un idéal de société.»
Enfin, l’exposition La Tendresse subversive, quatrième volet de cette Biennale se tient aux Turbulences à Orléans. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
A lire aussi : expo de design féminin au FRAC
Cette Biennale féministe du FRAC Centre Val-de-Loire est donc à découvrir jusqu’au 1er janvier 2023 à Vierzon dans les endroits suivants :
Maison des cultures professionnelles
Jardin la Française
Esplanade La Française
Usine la Française – Bâtiment B3
Musée de Vierzon
Avenue de la République
Rue Voltaire – Rue des Ponts
Square des Remparts
Espace Maurice Rollinat
Square Lucien Beaufrère
Église Notre-Dame
Cour du musée des Fours Banaux
Rue du Maréchal Joffre
Entrée gratuite dans tous les lieux
Programme complet de cette Biennale ici