Élus, associations militantes et amoureux de la nature ont fait leur cinéma le 8 septembre au Pathé d’Orléans, dans le bon sens du terme, en faveur de ce qu’ils et elles ont qualifié de grande cause nationale. Environ 250 personnes ont ainsi crié collectivement un « stop » à la mutilation des paysages solognots par le biais de hautes clôtures et pratiques de chasse indécentes.
Par Émilie Rencien
Photo Emilie Rencien
Le chemin est long, ardu, semé d’ornières et de tentatives d’intimidations, mais la mobilisation tient bon, menée par le président de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau (PS) et l’aventurier cinéaste Nicolas Vanier. Après deux tribunes co-signées, – l’une au printemps 2020 interpellant le Gouvernement et la deuxième cet été 2022 alertant sur les risques d’incendies accrus dans des environnements fermés,- le duo engagé ne lâche rien concernant leur lutte contre l’engrillagement de la Sologne et la défense de sa biodiversité étendue sur trois départements, le Loir-et-Cher, le Loiret et le Cher. Pour celles et ceux qui ne comprendraient pas vraiment l’intitulé et le problème, il ne s’agit évidemment, en aucun cas de remettre en cause le droit de propriété, inaliénable, et de fait d’interdire aux citoyens d’entourer leurs maisons de clôtures et de portails !
La discussion ne consiste pas non plus à prohiber la chasse dite « traditionnelle », celle qui se pratique dans des espaces non ceinturés, où la faune circule librement. Les grillages contre lesquels s’insurge le couple Bonneau-Vanier sont d’un tout autre acabit et courent sur 4000 km en Sologne : « nous n’avons rien contre les grands propriétaires et les fortunes, nous ne sommes pas des sous-écologistes radicaux,» a expliqué Nicolas Vanier qui a affirmé avoir commencé le le combat avec une première lettre il y a 34 ans. « Nous sommes contre ceux qui ne viennent en Sologne que 5 fois par an et installent des grillages à vocation d’enclos derrière lesquels se trouvent contraints des animaux et s’exercent des chasses innommables. (L’acteur) François Cluzet ne recommande pas à ses amis de venir en Sologne car il trouve que cela ressemble à un goulag ! »
François Bonneau a insisté de son côté. « Des hauteurs de 2 mètres, l’abattage systématique des animaux … Collectivement, nous appelons les consciences contre quelques-uns qui menacent le respect de notre héritage, de notre bien commun que sont la nature et le vivant. Nous ne sommes pas contre, mais pour un territoire solognot, d’accueil et de progrès social.» Pour marquer davantage les esprits et faire en effet naître un mouvement populaire d’ampleur, un débat a appuyé ce constat le jeudi 8 septembre dans les murs du cinéma Pathé, sur les quais de Loire, à Orléans. Le rendez-vous, qui débutait à 16 heures cette journée-là avec une projection d’un des long-métrages de Nicolas Vanier, tourné en Sologne, « l’École Buissonnière », pouvait de prime abord surprendre et laisser présager, au regard de la formule et de l’heure choisies, des rangs épars. Que nenni, le sujet est si grave et d’importance que la mayonnaise a pris avec un public nombreux et intéressé installé dans la salle obscure, en compagnie d’élus et d’associations. Au moment des prises de paroles, à 18h, Raymond Louis, à la tête des Amis des chemins de Sologne, était parmi les voix qui corroboraient l’alerte. « Pour moi, la Sologne est à l’agonie, cloisonnée. Il faut que ça bouge. »
Un collectif sur les rails
Bien sûr, dans ce cinéma orléanais, le 8 septembre, ils et elles étaient tous « contre » l’engrillagement, comme l’aura remarqué un spectateur. Une chaise vide trônait en sus sur la scène : celle peut-être qui aurait pu être occupée par un grand propriétaire qui aurait pu donner son avis « pour ». Il n’empêche que l’arbre ne saurait cacher la forêt : quitte à froisser les chastes oreilles, le vétérinaire et colonel de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, Dominique Grandjean, a résumé sans pincettes la situation : «C’est du massacre pur et dur. Cela me révulse. Attention, je n’ai rien contre les gens riches. Mais je déteste les gens, riches … et cons ! ». Les grands discours, c’est très bien, souligneront encore les plus pessimistes, mais à quand les actes ? Que chacun(e) se rassure, pour celles et ceux qui saisiraient une nouvelle fois de travers, il n’est pas question de prendre les pinces et couper les grillages… Non, l’action sera légale : un collectif va incessamment être créé pour asseoir ce combat, en attendant une loi afin de faire évoluer les choses en bonne et due forme Le député du Cher, François Cormier-Bouligeon, (LREM), qui avait déjà déposé une proposition législative en 2021, a promis pour sa part de « retravailler son texte » et « tout faire pour convaincre Paris et l’inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’agenda du Gouvernement ». Jean-François Bernardin, président de l’ACASCE, association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement, a harangué une ordonnance de 1986 interdisant l’utilisation de tout moyen facilitant le piégeage et la destruction du gibier, pour renforcer la réflexion urgente posée sur l’ouvrage.
La liberté de la presse aussi à l’honneur
Il n’y a plus qu’à, donc, puisque « le moment est venu, n’a jamais été aussi bon pour y arriver ensemble», à écouter le leitmotiv que n’a cessé de marteler Nicolas Vanier, tel un étendard. Le clou a été enfoncé lors d’un remerciement non négligeable adressé à la presse, en ces temps tourmentés pour les libertés en général : à la fin de ce débat qu’il animait, le directeur de cabinet du président Bonneau, Alexandre Tinseau, a lancé un inattendu « Merci Émilie » et aux « journalistes qui sont visés sur ce sujet dans l’exercice de leur métier ». C‘est-à-dire la journaliste Émilie Rencien, et sa directrice de publication, Frédérique Rose, présentes à Orléans ce 8 septembre, ciblées par une mise en examen pour avoir « osé » relayer en 2020 l’une des tribunes précitées de la région Centre-Val de Loire dans les colonnes de leur journal, Le Petit Solognot.