Sublime voyage chez un paysan en Anatolie, sur fond de promesses et de roueries

Cannes 2021 qui n’a pas eu lieu, avait programmé dans la section « Un certain Regard », le film de Semih Kaplanoğlu, Ours d’Or à Berlin en 2010, « Les Promesses d’Hasan ». Chef d’œuvre pictural !

Par Bernard Thinat

Hasan, paysan aisé en Turquie, connaît tous les stratagèmes à base soit de pots de vin, soit de roueries, pour tirer la plus grande part pour lui et sa famille. Lorsqu’il découvre qu’on va installer un pylône haute tension dans son champ, il sait graisser la patte d’un juge pour obtenir satisfaction. Il n’est pas toujours gagnant dans l’affaire, surtout quand la maladie affecte ses tomates et qu’il est obligé de les arroser de pesticides fabriqués en Union Européenne, laquelle ne veut pas de ses tomates car pleine de pesticides. Kaplanoğlu appuie là où ça fait mal. La population turque les mangera !

Mais le voilà inscrit, lui et son épouse, pour le hadj, pèlerinage à la Mecque, obligé d’aller trouver ceux qu’il a floués afin que chacun le pardonne. Avec son frère à qui il ne parle plus depuis des années, histoire d’héritage, où l’on soupçonne le juge d’avoir fait pencher la balance en faveur d’Hasan, moyennant quelque pot de vin, la rencontre amènera Hasan à fondre en larmes, chose qu’il n’avait pas dû faire souvent dans sa vie, lui l’intransigeant en affaires, qu’on ne saurait rouler.

Le vent souffle chez Hasan, le soleil tape dur, on se réfugie à l’ombre d’un arbre gigantesque, lequel sera abattu pour un pylône, on peut supposer métaphore de la dureté d’Hasan effondré devant la maladie de son frère. Kaplanoğlu a réalisé un film lent, long de deux heures trente, mais tellement beau picturalement, aux plans séquence qui se prolongent dans le temps. Puis, il y a ces rêves d’Hasan, dormant à l’ombre dans ses champs, une pluie de pommes le terrassant dans ses vergers, puni par un dieu pour sa filouterie, et l’arbre déraciné qui revient du ciel afin de reprendre sa place au milieu du champ. Sublime !

Quant à l’acteur qui tient le rôle d’Hasan, Umut Karadağ, quasiment à l’image durant tout le film, il eut mérité un Prix d’interprétation dans un festival qui aurait eu lieu, tant sa présence filmique est énorme. Un très grand acteur et un très grand réalisateur réunis, cela donne un très grand film !