Face à la situation alarmante des cours d’eau dans le département de Loir et Cher lourdement touché lui aussi par l’une des pires sécheresses depuis 1959, le Préfet François Pesneau a réuni tous les acteurs concernés le 5 août dernier. Un seul mot d’ordre, réduire les usages.
Par Jean-Luc Vezon
« Nous sommes au début d’une sécheresse inquiétante comme en 2019. La situation est exceptionnelle et les projections peu encourageantes avec une absence de pluies dans les quinze prochains jours et sans doute jusqu’à septembre » a déclaré le préfet pour lancer cette réunion dans une salle de la préfecture de Blois bondée, preuve de la gravité de la situation.
Le Loir-et-Cher fait en effet partie des 62 départements dans lesquels des restrictions des usages de l’eau ont été prises. Le déficit pluviométrique est ainsi de 72 % en juillet et il n’est tombé que 259 mm depuis le début de l’année, soit le 3e débit le plus faible depuis 1959. (1) La situation la plus préoccupante concerne le Vendômois et le nord du Loir-et-Cher avec un retard de 92 %. La quasi-totalité des nappes d’eau souterraines (Beauce Blésoise et craie Loir-et-Cher) sont par ailleurs en forte baisse.
Parallèlement, Météo France a constaté une hausse des températures moyennes : + 2,1° pour mai, + 1,7° pour juin et + 1,5° pour juillet. Corollaire, une baisse de l’humidité des sols (- 70 % au nord, – 30 % sur le reste du département) lourde de conséquence pour l’agriculture.
En application de l’arrêté-cadre sécheresse pris le 21 avril dernier, le préfet et ses services (DDT) ont donc déclaré les bassins du Loir amont, du Loir aval, du Cher et de l’Aigre en alerte simple (DSA), ceux de la Brenne et des Mauves en alerte renforcée (DAR) et, enfin, les bassins de la Braye, de la Masse, de la Cisse amont, des affluents de la Loire aval, des affluents de la Loire amont, du Cosson et du Fouzon en crise (DCR).
« Treize zones sur les 15 au total en Loir-et-Cher présentent des stations avec des débits sous les différents seuils d’alerte sécheresse définis par l’arrêté-cadre sécheresse. La Loire a notamment vu son débit fortement diminuer à 45,1 m³/s le 01/08/2022 (contre 50,7 m³/s le 26/07/2022), faisant basculer son débit en-deçà du seuil d’alerte fixé à 50 m³/s » a informé le représentante de la DDT. Sans le soutien d’étiage grâce au barrage de Naussac, celle-ci pourrait voir son débit passer à 15 m3/s
L’eau potable
Concernant l’eau potable, l’ARS n’a pas relevé de difficulté d’approvisionnements comme c’est le cas dans une centaine de communes en France. Mis à part quelques tensions constatées à Cellettes, Chitenay, Cormeray, Cheverny et Cour-Cheverny, Saint-Dyé-sur-Loire, Saint-Denis-sur-Loire, Savigny-sur-Braye et Saint-Aignan-sur-Cher), les approvisionnements sont sécurisés notamment grâce aux interconnexions des réseaux prévues par les plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE).
Côté risque incendie, le SDIS 41 constate une situation « de danger sévère » même si le département a été épargné jusqu’alors. 228 interventions pour des feux sur espaces naturels ont cependant été réalisées depuis juillet et 320 ha de récoltes détruits. La Sologne constitue à ce titre un territoire de vigilance. Barbecues, mégots, présence de véhicules constituent des dangers potentiels. « Je n’hésiterais pas à prendre des arrêtés de restriction de circulation s’il le faut dans les forêts domaniales » a aussi précisé le préfet.
Des contrôles renforcés
Pour vérifier que les mesures de prévention et de restriction sont bien suivies (2), l’Office Français de la Biodiversité (OFB) mène des contrôles de terrain. Ce fut notamment le cas le 27 juillet dernier. Six inspecteurs de l’environnement aidés de deux agents de DDT ont réalisé des contrôles sur les bassins de la Braye, de la Cisse et du Cosson. Touchant les particuliers, exploitants agricoles et collectivités, ils ont engendré dix rappels à l’ordre et seulement une procédure sur un total de 69.
« Les agriculteurs et les particuliers ont dans l’ensemble des conduites responsables. Mais les contrôles visant le respect des règles de restriction de la consommation d’eau seront renforcés et il y aura des sanctions pour les contrevenants prises par le Parquet » a conclu le préfet avant d’engager un débat avec les participants.
Rappelons que les restrictions de l’usage de l’eau associées aux différents seuils d’alerte dépassés dans les 13 zones sont présentées sur le site des services de l’État. Tout contrevenant aux mesures en vigueur encourt une peine d’amende prévue pour les contraventions de 5ᵉ classe (1500 euros).
(1) Pour mémoire, en 1976, il était tombé seulement 179 mm de pluie.
(2) Interdiction d’arroser stades, massifs et plans d’eau pour les collectivités, d’irriguer certains jours et à certaines heures pour les agriculteurs (Beauce blésoise) ou de remplir sa piscine pour les particuliers.
Des positions qui divergent
Les positions des différents acteurs concernés par la sécheresse réunis par le préfet sont loin d’être unanimes. Alors que la fédération départementale des pêcheurs est vent debout contre les agriculteurs qui arrosent ou irriguent jugeant la situation des rivières dramatique avec « un préjudice écologique colossal » à venir, le syndicat de la Cisse estime « que le moral des rivières va mal » et qu’il faut plus d’anticipation.
Le syndicat des irrigants défend de son côté la nécessité de puiser dans les nappes ou rivières pour assurer les cultures alimentaires mais aussi de mettre de l’eau dans des réserves quand les pluies sont abondantes. « Travaillons ensemble en faisant abstraction des postures » a souhaité son président. Vincent Michelet de la chambre d’agriculture a pour sa part remis en cause la continuité écologique et la suppression des ouvrages.
Pour Arnaud Bessé, président de la chambre d’agriculture de Loir-et-Cher, “le stress hydrique” sur les cultures est maximum et « celles-ci sont en avance de quinze jours ». « Vers le 15 – 20 août, nous arrêterons l’irrigation » a-t-il déclaré.
Alors que les agriculteurs modifient leurs pratiques et techniques agricoles pour tenir compte de la sécheresse, le plus inquiétant semble être la hausse de la consommation d’eau par les habitants. Sur le territoire d’Agglopolys par exemple, elle est ainsi passée de 12 000 à 15 000 m3/jour a révélé Jérôme Boujot vice-président de la collectivité qui pourtant informe sa population de la nécessité de réduire ses usages.
Face à une situation qui pourrait virer au rouge vif, « je n’hésiterai par à durcir l’arrêté cadre sécheresse » a martelé le préfet particulièrement mobilisé.