A Vendôme, jusqu’au 27 août, les Promenades photographiques consacrent la pertinence des oeuvres exposées. Et les journées festives des 29 et 30 juillet ont démontré que l’art photographique n’a pas d’âge, se voulant intemporel.
Par Jean-Luc Bouland
“Les photographes sont les yeux du monde“, rappelait ce samedi 30 juillet 2022 Christine Spengler sur la scène du Minotaure. L’oeil pétillant et le verbe alerte, celle qui compte aujourd’hui parmi les 8 femmes reporter de guerre les plus illustres, exposées au Musée de la Libération de Paris, a gardé toute la simplicité qui, depuis 1972, l’a conduite jusqu’en 2005 sur les zones de combat du monde entier, pour El Païs, Life ou Paris Match, frôlant la mort accidentelle ou déclarée, quand elle fut condamnée à mort au Liban pour “espionnage”. Pendant plus de 40 ans, elle n’a toujours ramené que des clichés en noir et blanc, refusant de montrer le sang. “Le rouge, ma couleur, celle de la vie, je la préfère dans mes autres photographies, celles que j’ai toujours faites entre deux reportages“. Ce sont celles-ci qui sont exposées au Manège Rochambeau, à Vendôme, qu’elle a dédicacées à l’entrée de l’espace peint en rouge qui lui est dédié, et qui composera le décor des dernières images du film que lui consacre Philippe Vallois, “Christine Spengler ou la Barraka”.
Aujourd’hui, Christine Spengler ne va plus sur le terrain. La profession de photographe de guerre est sinistrée. “Les magazines comme Life ou Paris Match n’ont plus de raison de payer pour envoyer des reporters de guerre, alors qu’avec le numérique, ils peuvent en recevoir des milliers“. La technique aurait-elle vaincu le savoir-faire et le talent ? Certes non. Elle aide juste à repenser la façon de faire, à accompagner le regard pour mieux aider à s’exprimer, à transmettre.
Ainsi, lors de ces promenades photographiques 2022, comme lors des précédentes éditions, vieux routards et néophytes, témoins et créateurs se sont toujours côtoyés sur les cimaises, ont toujours trouvé plaisir à échanger dans les allées. Entre un Martin Becka, tout récemment installé dans la région, adepte des procédés anciens, qui fabrique lui-même ses films, et les élèves du campus ou du collectif Delta, on retrouvait dans l’oeil la même passion.
A la Fabrique du docteur Faton, tiers-lieu subventionné par la région Centre-Val de Loire, où se tenait pendant 10 jours le campus, outre beaucoup d’élèves venant de Belgique, on pouvait aussi croiser cinq jeunes femmes de moins de 30 ans demeurant dans la région, dont Esther et Jeanne, deux vendômoises, et Alyséa, une Orléanaise. Passionnées de photographie depuis longtemps, intéressées par la défense de l’environnement, la nature humaine ou les spectacles et la musique, elles ont acquis ici des notions indispensables même si, peut-être, “ce campus était plus destiné aux élèves des écoles de photographie qu’à des indépendantes comme nous“.
Cette année, la thématique des Promenades photographiques, réparties en dix lieux du département du Loir et Cher, se voulait “in-situ”, entre paysages extérieurs et mondes intérieurs, entre représentation du réel, témoignage du temps qui passe ou de celui que l’on fige pour l’immortalité, voire à la façon surréaliste de Christine Spengler pour “exorciser la douleur des guerres“. Chaque photographe a sa sensibilité, son style, ses sujets de prédilections, ses passions qu’il veut transmettre. Ainsi, Mathias Benguigui, auteur avec Agathe Kalfas d’une série sur les problématiques migratoires sur l’île de Lesbos, estime-t-il “qu’il faut savoir s’affranchir de l’objectivité contraignante imposée par le journalisme pour libérer la subjectivité, et atteindre l’authoring“.
Voilà un débat qui ne manque pas d’intérêt, qui n’est pas près d’être clos, et qui justifie pleinement l’existence de ces Promenades photographiques, seule manifestation d’une telle envergure nationale en région Centre-Val de Loire. Il reste près d’un mois pour en profiter, avant que l’équipe d’animateurs et de bénévoles entourant Frédéric Pasco, le président de l’association des Promenades photographiques, et Odile Andrieu-Verguin, sa directrice générale et artistique, commence à se projeter sur l’édition 2023. Si ce n’est déjà fait…