Par Thierry Soler, ancien élu départemental écologiste du Loiret, président de l’association Mardiéval.
Les conditions météorologiques nous ont procuré à nouveau de nombreux records cette année. Au-delà des températures extrêmes et des feux de forêts en France mais aussi en Europe ces dernières semaines, ces drames surviennent partout dans le monde. On se souvient de la situation terrible de l’Inde et du Pakistan il y a quelques mois tandis que les États-Unis et la Chine y sont confrontés aujourd’hui.
Ces phénomènes sont presque tous la conséquence de l’évolution climatique globale. Or, le réchauffement planétaire, par son ampleur comme par sa rapidité, a indiscutablement pour origine les activités humaines. L’alerte lancée par les écologistes il y a cinquante ans déjà n’a malheureusement jamais été écoutée. Aujourd’hui que les preuves s’accumulent, le diagnostic est désormais partagé. Malheureusement, les décisions qui permettraient de limiter et d’amortir la catastrophe climatique ne sont toujours pas prises.
C’est en effet un changement assez radical de nos sociétés qui est nécessaire. Changement des modes de production et donc avant cela de nos modes de consommation. Qu’il s’agisse des infrastructures, des denrées alimentaires, des produits manufacturés et même des services à notre disposition, tout doit être repensé dans une nouvelle économie qui replace l’humain et ses conditions de vie au centre des préoccupations. Certains appellent cela la décroissance mais il s’agit en fait d’une autre forme de croissance. Au lieu de faire croître les quantités consommées, on ferait croître le bonheur que l’on retire de chaque produit ou service.
Malheureusement, les dirigeants les plus influents ne pensent qu’à maintenir un mode de vie insoutenable et si peu accessible aux masses qu’il est symbolique des inégalités et de la violence contre les populations. Cela se vérifie d’abord dans les régimes dictatoriaux et il ne faut jamais oublier de les dénoncer. Mais même dans les systèmes plus libéraux, ceux que l’on qualifie de démocraties, le déni des enjeux climatiques reste prédominant.
La France ne fait pas exception, elle qui est condamnée pour « inaction climatique » et qui ne change rien de son productivisme effréné. Presque tout l’échiquier politique français, en effet, place son salut dans une fuite en avant technologique et s’oppose à la moindre tentative de vivre mieux en se montrant plus sobre. Qu’il s’agisse d’énergie avec le nucléaire, de mobilité avec les véhicules électriques, de communication avec la 5G et surtout d’agriculture, on nous annonce toujours que le confort viendra de l’innovation industrialisée. Comme un funambule qui, perdant l’équilibre, ferait porter son poids justement du côté où il chute.
Le Loiret est également victime de ces raisonnements fallacieux.
Notre département vit désormais sous la menace des canicules et feux de forêt. Son agriculture, dépendante de l’industrie chimique et tournée vers l’exportation manque cruellement d’eau et perd continuellement des terres et des emplois.
Veut-on changer nos productions agricoles ? Non.
Le Département mise toujours sur l’élevage industriel de volailles et défend l’implantation de bassines qui accroissent la dépendance à l’irrigation. Mais continuera-t-on à tolérer que des cultures destinées à l’alimentation animale soient arrosées en plein soleil quand l’eau sera rationnée pour les usages domestiques ? N’oublions pas que l’impact écologique pour se nourrir de viande est jusqu’à dix fois plus important que si l’on se reporte vers une alimentation principalement végétarienne. L’empreinte carbone qui résulte du modèle agricole dominant contribue plus qu’ailleurs au réchauffement climatique.
Veut-on réduire la dépendance énergétique et l’impact climatique ? Non.
À l’instar du projet de déviation de la RD921 à Jargeau qui reste le plus emblématique, le Loiret n’encourage en rien le report vers des mobilités et des transports économes en émissions de gaz à effet de serre. Au lieu d’élaborer collectivement des solutions pour les territoires où les déplacements sont pénalisants, les politiques publiques contraignent les habitants à recourir de plus en plus à leur voiture individuelle au moment où cela leur coûte de plus en plus cher tout en dégradant leurs conditions de vie. Là encore, l’empreinte carbone qui en résulte contribue plus qu’ailleurs au réchauffement climatique.
Le Conseil départemental du Loiret porte une lourde responsabilité dans cette situation.
Pour l’instant, la Justice ne le condamne pas, sans doute parce qu’aucune loi ne permet d’exiger d’élus qu’ils agissent rationnellement. C’est ce qui ressort de l’arrêt du 22 juillet de la Cour administrative de Nantes concernant l’utilité publique de la déviation de la RD921.
Mais qui sait si, bientôt, un procès pour inaction climatique, voire un procès pour action favorisant le réchauffement planétaire, ne sera pas intenté à cette collectivité restée cinquante ans dans le passé.