Cent ans après sa naissance, un fascinant portrait du compositeur, ingénieur et architecte Iannis Xenakis (1922-2001), pionnier de l’électro et des spectacles son et lumière, qui a bouleversé la musique contemporaine en faisant dialoguer arts et mathématiques. Un formidable documentaire de Stéphane Ghez visible sur arte.tv jusqu’au 17 novembre.
Texte Arte/Bernard Cassat
“Il ne s’agit pas seulement de faire des sons et de la musique, il s’agit de transformer l’homme aussi.” Iannis Xenakis. Capture d’écran du documentaire
De son engagement politique armé à son insurrection artistique, Iannis Xenakis (1922-2001) a mené une révolution totale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’étudiant à l’université polytechnique d’Athènes rejoint les rangs de la résistance communiste puis prend part, à la libération du pays, aux combats qui opposent ses camarades aux royalistes. Le visage transpercé par un éclat d’obus britannique, Iannis Xenakis, qui sera condamné à mort par contumace, fuit la Grèce en 1947. Le jeune homme, dont le nom signifie “petit étranger”, trouve refuge à Paris, où il est embauché par Le Corbusier. Traçant des ponts entre composition et architecture, il élabore un langage musical inédit, encouragé par Olivier Messiaen. Ses glissandos de cordes, déjà présents sur Metastasis, inspirent les lignes du pavillon Philips, qu’il dessine pour l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Mais si cet espace avant-gardiste, dans lequel retentissent ses audaces sonores (Concret PH), connaît un immense succès, il signe aussi sa rupture, sur fond de conflit de paternité, avec Le Corbusier.
Des spectacles immersifs
Xenakis se consacre dès lors tout entier à ses partitions, notamment au sein du Groupe de recherches musicales (GRM) créé par Pierre Schaeffer. Rejetant à la fois la tradition et les innovations sérielles, il s’inspire de la nature – de l’île de Beauté, en particulier –, de la science et des cultures lointaines pour inventer la musique stochastique, fondée sur le calcul de probabilités, revisiter les percussions et bâtir des spectacles immersifs mêlant électroacoustique et jeux de lumière. Réhabilité après la chute du régime des colonels, il sera acclamé pour la première fois par ses compatriotes en 1978 avec son prodigieux Polytope de Mycènes.
La maison-tour qu’il a construite en Corse juste avant de mourir. Capture écran documentaire
Des plages corses et de la maison dont il a dessiné les plans, où sa fille Mâkhi Xenakis ressuscite d’émouvants souvenirs, au couvent de la Tourette, où ses créations dialoguent avec l’architecture, Stéphane Ghez, avec beaucoup de précisions et d’inventivité, retrace la trajectoire de ce génie engagé, inventeur du premier synthétiseur graphique et précurseur de l’informatique musicale. Il démontre avec brio l’implication chez Xenakis de la musique dans l’architecture. Tandis que les jeunes artistes du Trio Xenakis offrent une spectaculaire démonstration de la vitalité de son œuvre, des admirateurs tels que Jean-Michel Jarre, George Aperghis ou Pascal Dusapin mettent en lumière l’héritage qu’il a laissé à la musique actuelle, notamment électronique.
Pascal Dusapin indique les volumes sonores que Xenakis créait en dessin. Capture écran du documentaire.
https://www.arte.tv/fr/videos/103998-000-A/xenakis-revolution/
Du 15/05/2022 au 17/11/2022
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