Rétro: Seule la décision de partir reste possible

Publié le vendredi, 1 juillet 2022
 

Park Chan-Wook, réalisateur coréen, filme deux acteurs admirables, la chinoise Tang Wei et Park Hae-il, dans une histoire complexe mais fascinante d’amour impossible, Decision to Leave. Beauté formelle, recherches intéressantes et ampleur du propos nous entraînent pendant plus de deux heures dans une spirale magnifique. Du grand cinéma.

Park Hae-il et Tang Wei. Photo Bac Films

C’est une histoire de rencontre. Un policier rencontre une veuve dont le mari, c’est ainsi que ça se présente, vient de se suicider en se jetant d’un rocher. Intrigué par cette femme et sa (non)réaction à la mort brutale de son mari, il commence une surveillance. Pour chercher la vérité, ça c’est le travail du policier, mais surtout sa vérité à elle, et c’est plutôt l’attirance de l’amoureux. Ce qui va les emmener très loin.

Recherches visuelles autant que narratives

Mais c’est surtout une histoire de cinéma. Park Chan-Wook, réalisateur de près de 60 ans, n’en est pas à son coup d’essai. Vingt deux films et séries déjà réalisés, avec souvent beaucoup d’action, du sexe, de la violence et de gros effets. Pour ce film, il a recherché plus de finesse. En se posant aussi des questions sur son métier, comment filmer tel visage, telle scène, où mettre sa caméra, comment enchaîner les séquences. Ce qui amène de superbes moments de cinéma, mais aussi une richesse dans la narration. Son personnage de policier, très intrigué par cette jeune veuve absolument pas touchée par le décès de son mari, se met à la suivre, à planquer devant son appartement, à l’observer à la jumelle. Tellement près d’elle qu’il entre dans l’image. Télescopage de la réalité, de la réflexion sur la réalité et de la subjectivité du personnage. Ca ne simplifie pas forcément la compréhension des actions, mais le film y gagne un mystère prenant. Certaines séquences, d’interrogatoires par exemple, regroupent sur le même écran l’image des vidéos de contrôle de la femme filmée en champ et du policier en contrechamp, avec derrière la réalité de l’interrogatoire. Ou bien jouent sur les reflets qui mettent les corps sur le même plan. Des images nouvelles pour des situations vues à longueur de séries. L’utilisation des tous les moyens audiovisuels est d’ailleurs très maîtrisée. Elle est chinoise, jouée par une actrice chinoise qui parle coréen mais pas tout le temps. Elle utilise un traducteur audio sur son téléphone, et les dialogues sont rythmés par ces traductions.

Photo Bac Films

Toutes ces attentions aux moyens du cinéma donnent un film de détails, d’allusions. On est bien au-delà d’une enquête policière. Déjà le policier, présenté dès le début comme allant jusqu’au bout même s’il faut s’époumoner à courir après les gangsters, révèle progressivement ses différentes facettes. Le personnage féminin, très complexe, étrange et pas seulement parce qu’elle est étrangère, est une femme dangereuse mais aussi en quête d’une plénitude qui n’est jamais pour elle (« ce ne sont jamais des gens comme toi qui demandent à m’épouser », dit-elle au policier dont elle est amoureuse). Leur rencontre et leur amour presqu’immédiat, pourtant bien loin du coup de foudre, vont initier une spirale fascinante dans laquelle ils tournoient à la fois autour de l’autre mais aussi de cette vérité implacable : partir. Ce drame amoureux ne trouve pas d’autre issue qu’une fin tragique. Le rocher du début, phallique au possible, fait place au sable et à la mer, mouvants et absorbants. Parcours magnifique aux épisodes rocambolesques, moments jamais tout à fait clairs, qui font douter de ce qui se passe mais qui reviennent toujours à un amour puissant entre eux, un amour partagé qui jamais ne dit son nom. Un amour auquel la 5e symphonie de Malher va si bien !

Ce film a obtenu le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes (2022). Juste récompense pour ce travail d’orfèvre venu d’extrême Orient mais en plein centre du continent cinéma.

 

 

Decision to leave

Scénario : Park Chan-Wook, Chung Seo-kyung

Interprètes : Tang Wei, Park hae-il, Go Kyung-pyo

Directeur photo : Kim Ji-Yong

2h18

 

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