80 ans de la Rafle du Vél’ d’Hiv : sortie d’un film essentiel

 La Rafle du Vél’ d’Hiv, la honte et les larmes de David Korn-Brzoza est un documentaire incontournable pour qui veut comprendre les rouages de cette rafle massive survenue à Paris les 16 et 17 juillet 1942. Son coauteur, l’historien Laurent Joly était aux Carmes à Orléans ce samedi 16 juillet 2022 pour la projection du film sur grand écran, suivie d’un débat.

Par Sophie Deschamps 

Laurent Joly, historien, coauteur du film La Rafle du Vél’d’Hiv, la honte et les larmes devant les Carmes à Orléans le 16 juillet 2022. Photo SD

La grande salle des Carmes à Orléans était presque comble ce samedi 16 juillet 2022 pour la projection du documentaire inédit  La Rafle du Vél’ d’Hiv, la honte et les larmes de David Korn-Brzoza et coécrit avec Laurent Joly. Ce dernier, historien spécialiste de l’antisémitisme du régime de Vichy a présenté ce film puis en fin de séance il a répondu aux questions d’Annaig Lefeuvre, directrice du Cercil Musée-Mémorial des enfants du Vél d’Hiv est bien sûr du public. Avec un sous-titre la honte et les larmes d’emblée très explicite : « En fait la honte, c’est à double sens parce que c’est honteux ce qui a été fait et c’est aussi ce que les gens ont ressenti, ils ont eu honte ! » 

Une seule photo de la Rafle

Ce documentaire qui démarre en juin 1940 et se termine au retour des déportés ne s’adresse pas aux spécialistes de la période mais au contraire à un large public, et notamment les jeunes. Comme l’indique Laurent Joly : « On a fait ce film comme si les gens ne savent rien sur cette période donc il faut qu’il y ait toutes les bornes pour comprendre comment on en arrive à cette rafle. On a même l’idée de faire une version de 40 minutes uniquement centré sur la rafle, pour les scolaires, ça peut être bien. »

Il n’en est pas moins exigeant au niveau de la qualité du récit (la voix off est signée Vincent Lindon, impeccable) et des documents présentés. Laurent Joly a ainsi passé de longs mois à éplucher les nombreuses archives papier à sa disposition. En revanche, il n’existe qu’une seule photo de cet évènement prise à l’extérieur du Vélodrome le 17 juillet 1942 et censurée comme on peut le voir.

L’unique photo de la Rafle du Vél d’Hiv, prise rue Nélaton, capture d’écran du doc La Rafle du Vél d’Hiv, la honte et les larmes

L’historien nous explique comment cet obstacle a été contourné : « Quand on a commencé ce projet avec David Korn- Brzoza, on se disait que ça n’allait être que de la reconstitution. Il y avait une sorte de délire technique parce que vous allez voir la manière dont le Vél d’Hiv est reconstitué en 3D, c’est absolument époustouflant.»

« Les témoins sont beaux »

D’autre part, ces 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv, c’est  probablement  la dernière grande commémoration avec des témoins vivants, des jeunes gens qui étaient presque adultes, qui ont vécu cachés, seuls, qui ont résistants, déportés.»  C’est le cas notamment d’Esther Senot qui avait 14 ans au moment de la Rafle. Mais il faut aussi citer tous les autres : Arlette Testyler, Rachel Jedinak, Jenny Plocki, Annette Krajcer, Annette Zaidman, Joseph Schwartz, Léon Fellmann.

Le documentaire a aussi le très grand mérite de mettre ces témoins âgés en valeur, y compris leur apparence physique : « Je trouve que le réalisateur et le chef-opérateur ont vraiment fait en sorte qu’ils soient beaux à l’image ! » 

Même si ce documentaire n’appelle pas de “happy-end” en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une fiction mais bien de se rapprocher au plus près du réel, la dernière scène est néanmoins bouleversante. Et il faut la voir pour en comprendre toute la force de vie et d’espérance qu’elle contient. 

Une réponse pour les révisionnistes 

Ce film est enfin une réponse aux révisionnistes de tous poils qui essaient notamment de réhabiliter la période de Vichy à l’instar d’Éric Zemmour durant la campagne présidentielle : « La réaction de certains historiens de dire : faut pas répondre, faut rien dire, ça ne marche jamais ! Il faut tout de suite rentrer dans la “gueule” des gens. Mais on doit aussi s’adapter et s’entraîner à faire court. Quand on n’a que dix minutes pour parler, c’est ce que je dis à mes collègues, il faut bosser. On peut dire beaucoup de choses en dix minutes. Moi je passe trois à quatre heures sur une intervention pour préparer les trois ou quatre trucs que je veux placer durant l’interview. »

À lire demain sur Mag Centre, 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv : les derniers témoins

Ce documentaire inédit (1h45), La Rafle du Vél’ d’Hiv, la honte et les larmes de David Korn-Brzoza et coécrit avec Laurent Joly est visible en replay sur France 3 jusqu’au 8 novembre 2022.

À voir également sur la plateforme de France 3 Les suppliques (1h05), un documentaire de Jérôme Prieur là aussi coécrit avec Laurent Joly, disponible jusqu’au 8 novembre 2022.

Pour aller plus loin, un livre et une exposition :

LA RAFLE DU VEL D’HIV, Paris Juillet 42 de Laurent Joly (Grasset)

Dessins inédits de Cabu présentés au Mémorial de la Shoah de Paris jusqu’au 7 novembre 2022. 

Le catalogue de l’exposition Cabu, La rafle du Vel d’Hiv. Dessins présentés par Laurent Joly est paru chez Taillandier.

A lire aussi: Les 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv : visite guidée du Musée-Mémorial de Pithiviers

et: 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv : du mémorial de la Shoah à la gare de Pithiviers

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