Les 80 ans de la Rafle du Vél d’Hiv sont l’occasion de se pencher sur le passé des camps d’internement du Loiret. Un passé douloureux qu’il faut regarder en face et transmettre impérativement aux nouvelles générations. D’où l’importance de l’ouverture ce 17 juillet 2022 de la gare de Pithiviers. Un musée et un lieu de mémoire, voulu et aménagé par le Mémorial de la Shoah de Paris. Visite guidée.
par Sophie Deschamps
Ce musée-Mémorial inauguré officiellement ce dimanche 17 juillet 1942 par le président de la République Emmanuel Macron et en présence, entre autres, du ministre de l’Éducation Nationale Pap Ndiaye est un jalon supplémentaire sur la route de la mémoire de la Shoah. Comme le rappelle Jacques Predj, directeur du Mémorial de la Shoah de Paris : « L’objectif était d’aménager un lieu de mémoire unique en France. Il n’y a pas d’autre gare de déportation aménagée dans notre pays. Donc c’est une chance extraordinaire pour nous de pouvoir témoigner de ce qui s’est passé dans cette gare.
Un lieu ouvert aux visiteurs individuels, aux groupes et aux scolaires : «L’accompagnement des scolaires est l’une de nos priorités au regard de la montée de l’antisémitisme, du racisme et des tentatives de falsification de l’histoire auxquelles on assiste, notamment lors de la dernière campagne de la Présidentielle. Il y a aussi l’explosion des théories complotistes depuis un certain nombre d’années dans le paysage politique français et international, donc on a du travail ».
Un aménagement sobre
La gare a été rénovée sobrement à l’extérieur comme à l’intérieur : « Il y a eu tellement de changements depuis sa création que l’on ne retrouvait pas la gare de la seconde guerre mondiale. Donc, on a fait quelque chose de sobre qui nous permette de créer un dispositif muséographique. C’est une petite exposition assez ramassée mais sur le plan technologique, elle comporte tous les moyens de traiter tel ou tel sujet dans sa globalité ou au contraire sur un point précis.»
Ce bâtiment de 400 m2 a été très simplement divisé en trois parties : « Il y a l’exposition permanente, une partie accueil et une salle pédagogique. On a également aménagé les quais de la gare avec des plaques indiquant la date des convois de déportation qui sont partis du Loiret vers Auschwitz-Birkenau ainsi que des photographies pour bien signifier l’importance de cette gare. Car c’est à ce moment-là que l’on bascule d’un évènement franco-français avec une politique d’exclusion raciale dans un génocide européen. C’est cette bascule de 1942 dont vous trouverez l’explication dans l’exposition. »
Des clichés inédits de la Rafle du billet vert
Ce lieu de mémoire est aussi fier de présenter un reportage photographique composé de 98 négatifs de la Rafle du billet vert du 14 mai 1941. Une rafle durant laquelle 3700 Juifs sont arrêtés à Paris et en région parisienne : « La scène principale se passe dans le 11ème arrondissement au Gymnase Japy. Les familles qui les accompagnent, on leur demande d’aller chercher des affaires pour les hommes, qui finalement en quelques minutes deviennent des prisonniers, pris dans une nasse dont ils ne peuvent sortir. » Des clichés censurés à l’époque et que le Mémorial de la Shoah de Paris a acquis en 2021.
Par ailleurs, Jacques Fredj explique le choix des gares de déportation : « Ce qui va intéresser les nazis c’est le réseau ferroviaire français qui va permettre de partir directement vers Auschwitz-Birkenau sans passer ni par Paris ni par Drancy. »
Puis il poursuit : « C’est aussi l’occasion d’expliquer ce qui se passe dans une zone rurale de notre pays qui est un havre de paix et où tout d’un coup les nazis arrivent. Ils installent tout d’abord des camps de prisonniers de guerre puis des camps d’internement de Juifs à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande. La guerre entre donc de manière frontale dans le Loiret. »
Huit convois de Juifs ont fait le trajet direct Loiret-Auschwitz à l’été 1942.
Jacques Fredj passe ensuite le relais à Olivier Lalieu, responsable de l’aménagement des lieux de mémoire au Mémorial de la Shoah : « On est ici au cœur de l’évocation des huit convois directement partis depuis le Loiret vers Auschwitz-Birkenau. Six depuis la gare de Pithiviers et deux depuis la gare de Beaune-la-Rolande, avec au total plus de 8000 déportés juifs. Les portes des trains se sont fermées ici sur les quais et ne se sont rouvertes que trois jours plus tard au centre de l’Europe, à proximité d’Auschwitz-Birkenau. On est donc ici au cœur de cette singularité-là.»
Mais l’exposition élargit son propos en resituant l’histoire de ces gares dans un contexte plus global : « Ces gares ont continué à fonctionner tout au long de la guerre. Elles ont été crées pour autre chose à la fin du XIXe siècle et elles vont continuer à fonctionner jusqu’à la fin des années 60. Donc on ne réduit pas l’histoire de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande ou l’histoire de l’internement des Juifs à cette séquence-là. »
De plus, vers la fin de l’exposition un écran déroule, convoi par convoi, les photos des Juifs, hommes, femmes et enfants déportés vers les camps de la mort et dont très peu, rappelons-le, sont revenus. Des photos qui ont le mérite de redonner chair à une liste de chiffres, glaçants.
Enfin la dernière salle, plongée dans l’obscurité, permet de découvrir les vidéos de témoins qui ont vécu, enfants, la rafle du Vel d’Hiv. La parole est aussi donnée mais bien sûr dans une moindre mesure à des habitants de Pithiviers qui eux aussi étaient petits au moment des faits.
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La Gare de Pithiviers, Lieu de mémoire et musée est ouverte au public :
Du 18 juillet au 31 août : du mercredi au dimanche de 11h à 18h
À partir du 1er septembre : du samedi au dimanche de 11h à 18h
À partir du 1er octobre : du samedi au dimanche de 1’h à 18h
Visites de groupes sur réservation : tous les jours sauf le vendredi
Plus de renseignements ici et au 02 38 72 92 02