Concert d’exception à Chambord avec Natalie Dessay et Philippe Cassard

Prestigieuse et renommée, la cantatrice Natalie Dessay n’a pas déçu le public venu nombreux au château de Chambord par une belle soirée d’été, le 6 juillet dernier. En duo avec le superbe pianiste Philippe Cassard, un moment d’exception a illuminé la cour du château avec la magie de Mozart, le mystère de Chausson ou Poulenc et le brio de Massenet ou Gounod.

Par Anne-Cécile Chapuis

Ce sont des soirées comme on les aime : après un parcours en forêt, l’arrivée sur un cadre somptueux dans une douceur estivale et une lumière de soleil couchant… l’écrin est ouvert pour faire place à la musique. Et quelle musique !

Natalie Dessay vient à la rencontre du public dans sa belle robe soyeuse aussi bleue que le bleu de ses yeux expressifs, et démontre, s’il en était besoin, qu’elle est toujours la grande cantatrice que l’on a connue. Le timbre colorature qui a fait sa réputation sur les plus grandes scènes mondiales a fait place à une voix plus veloutée, plus retenue, différente, mais tellement belle et émouvante.

Celle qui se définit elle-même comme « une athlète de la voix » utilise avec beaucoup d’intelligence les ressources de sa voix d’aujourd’hui. Elle choisit son répertoire, laissant les rôles opératiques pour explorer des airs de concert ou changer de personnage. Ainsi, nous dit-elle, chez Mozart, elle prend pour la première fois l’habit de la comtesse des Noces de Figaro, et le fait à merveille.

Il faut dire que la réplique lui est magnifiquement donnée par le talentueux pianiste Philippe Cassard. Tour à tour attentif, subtil, complice ou chef de file, il conduit la partition à deux, avec jubilation et sensibilité.

« Paroles de femmes »

Une première partie, toute entière consacrée à Mozart, rend hommage aux femmes avec les divers sentiments que l’opéra leur prête : héroïnes romanesques ou tragiques, égéries ou victimes de sombres destins, elles viennent briller sous le chapiteau au sein du château de Chambord. Après Barbarina, « mon premier rôle » se souvient Natalie Dessay, et plusieurs airs issus des Noces de Figaro, l’air de Pamina dans la flûte enchantée captive l’auditoire.

Dans une seconde partie, plus éclectique bien qu’essentiellement consacrée à la musique du XIXe siècle, le spectateur est emporté dans la poésie lascive de Charles Cros mise en musique par Ernest Chausson. « Je m’abandonnerai et les roseaux m’enlaceront ». On s’y croirait tant l’expression est suggestive et la diction parfaite. Une touche d’un humour féroce et de second degré avec La Dame de Monte Carlo (Francis Poulenc/Jean Cocteau), l’ambiance énigmatique de Pelléas et Mélisande, la passion de Pleurez mes yeux du Cid de Jules Massenet, et le tourbillon du célèbre air de Marguerite de Gounod« Ah je ris de me voir si belle en ce miroir» donnent à la soirée une tonalité hors du temps, toute en résonances, charme et volupté.

Deux bis terminent le moment sur les ailes du rêve : Celui de Gabriel Fauré « Après un rêve » comme celui de Lakmé de Delibes « Tu m’as donné les plus beaux rêves ».

Un bien beau message délivré par deux artistes d’exception à Chambord où, l’espace d’une soirée, le temps a suspendu son vol.