Alors prisonnier politique dans les geôles de Vichy, Jean Zay rédige un roman policier dont l’intrigue se déroule à Blois. L’éditeur orléanais Jean-Pierre Delpuech vient de rééditer le polar écrit et publié en 1942 deux ans avant son assassinat par la Milice. Préfacier, Pierre Allorant replace l’ouvrage dans son temps et dans la politique.
Par Jean-Jacques Talpin
Où donc aurait pu être présenté « La bague sans doigt » écrit par Jean Zay ailleurs qu’à la librairie « les Temps Modernes » devenue institution locale à Orléans sous la férule de ses filles Catherine et Hélène ? C’est donc au milieu des livres que ce roman policier, dont la sortie officielle est ce jeudi 30 juin, a été présenté en avant-première. On le doit d’abord à Jean-Pierre Delpuech, lui aussi professionnel du livre via sa maison « Éditions du Mail ». Mais aussi à Pierre Allorant historien et président du Cercle Jean Zay qui perpétue la mémoire de ce grand républicain, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts sous le Front Populaire mais aussi député et conseiller général du Loiret. Homme universel Jean Zay était bien sûr un homme politique attaché passionnément à sa terre orléanaise mais aussi un journaliste, un avocat (qui sera radié par Vichy), un poète et -on le découvre aujourd’hui- un écrivain. Auteur de contes et de nouvelles, il écrit durant la guerre deux romans policiers « le château du silence » (à paraître) et « la bague sans doigt ». Sous le pseudonyme de Paul Duparc (il est né rue du Parc à Orléans…) il rédige donc en 1942 « la bague sans doigt » alors qu’il est prisonnier politique de Vichy après un inique procès.
« Les Assassins de la mémoire habitent au 21 »
Grâce à la complicité de l’éditeur René Julliard, le roman est publié en 1942 (et donc republié 80 ans plus tard) et échappe presque intégralement à la censure, en dressant un tableau savoureux de la vie provinciale à Blois où se déroule l’intrigue policière au milieu de « gens de justice sourds et aveugles ». « Ce Dreyfus de Vichy, ce Blanqui de la République », ainsi que le nomme Pierre Allorant, y décrit ainsi des mœurs provinciales de 1938 à travers un roman à clefs. Mais pour Pierre Allorant ce livre « primesautier, gai et drôle » écrit dans « l’esprit guépin » cher aux Orléanais est aussi un roman d’évasion intérieure, un « roman de résistance ». Pierre Allorant n’hésite pas à faire le parallèle, 80 ans après son assassinat, avec l’actualité politique, notamment les élections récentes, pour rappeler que « sa présence est plus précieuse que jamais : les Assassins de la mémoire habitent toujours au 21 ! ».