Les nombres de morts attribuables au virus Sars-Cov-2 étaient jusqu’à présent essentiellement des approximations. C’est l’excédent de décès par rapport à ceux qui étaient attendus en l’absence d’épidémie de Covid-19 qui peut permettre une évaluation exacte. Ce travail vient d’être finalisé par une chercheuse de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour la période allant de mars 2020 à décembre 2021.
Par Jean-Paul Briand
A partir de 1986, l’Institut national d’études démographies (Ined) a eu pour missions d’étudier les populations de la France. Depuis 2010, l’Insee analyse chaque année le nombre et les causes des décès en France. A partir de ces études il a été possible de définir un quotient de mortalité, qui mesure, pour chaque âge, la probabilité, pour les personnes survivantes à cet âge, de décéder avant l’âge suivant. Ainsi pour chaque année, le nombre de décès à venir peut être prévu.
De mars 2020 à décembre 2021, l’épidémie de Covid 19 a entraîné de nombreux décès en France. Afin de connaître l’impact réel de l’épidémie de Covid-19 sur le nombre de morts, la chercheuse de l’Insee, Nathalie Blanpain, a comparé le nombre de décès réels et le nombre de décès attendus durant cette période épidémique par le virus Sars-Cov-2.
Un excédent de 95 000 décès
En tenant compte de l’augmentation et du vieillissement de la population, ainsi que de la baisse continue des risques de décès, qui persiste depuis plusieurs décennies, il y a été observé un excédent de 95 000 décès, toutes causes confondues, de mars 2020 à décembre 2021. La Covid 19 aurait donc entraîné directement ces 95 000 morts entre mars 2020 et décembre 2021.
Or ce nombre de 95 000 est étonnement bien inférieur à celui fourni par Santé publique France (SpF) qui chiffre à 124 000 le nombre de morts dus à la Covid et celui du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) qui en comptabilise 146 000 d’après les certificats de décès.
Dans sa publication, la chercheuse de l’Insee explique cette différence : « Le nombre de décès (donné par SpF et CépiDc) liés à la Covid 19 inclut en effet les décès de personnes fragiles qui seraient décédées même sans l’épidémie en 2020 ou 2021 ». Par ailleurs, durant la période de confinement, il y a eu moins d’accidents de la route et peu de maladies contagieuses grâce aux mesures de protections (la grippe a occasionné beaucoup moins de mort en 2020 et 2021). La chercheuse observe par ailleurs que « comparativement à 2020, l’année 2021 se distingue par une hausse de la surmortalité avant 75 ans et par une baisse après 85 ans. L’écart entre femmes et hommes s’est accru, puisque la surmortalité s’est stabilisée pour les hommes (8,6 % en 2020 et 8,3 % en 2021), tandis que celle des femmes a diminué (de 6,4 % à 4,3 %) ».
Espérons que la surmortalité va en rester là. Alors que l’immense majorité de la population française a été vaccinée, avec les deux sous-variants de la famille Omicron l’épidémie de Covid-19 reprend en France et atteint, en ce début juin, les niveaux enregistrés fin 2021.