« Compétition officielle » du duo argentin Mariano Cohn et Gastón Duprat, nous entraîne dans les coulisses des répétitions d’un film voulu par un millionnaire, lequel désirait laisser une œuvre qui porterait son nom après sa mort, il a 80 ans. Il recrute la meilleure réalisatrice auréolé d’un tas de Prix (Pénélope Cruz), lui colle un roman dans les mains afin qu’elle en écrive l’adaptation cinématographique, puis qu’elle le tourne.
Par Bernard Thinat
Elle recrute alors à son tour les deux vedettes du 7ème art, Félix (Antonio Banderas) et Manuel (Oscar Martinez). Sauf que tout oppose ces deux-là ! Félix est un coureur de jupons comme on dit, Manuel vit depuis longtemps avec la même épouse. Mais surtout, Manuel est un défenseur du cinéma d’auteur et affirme haut et fort que le cinéma de divertissement fabrique des débiles et des abrutis : évidemment Félix n’est pas du tout d’accord, lui qui ne voit que par ce cinéma-là, celui qui permet au spectateur d’oublier les tracas de la vie quotidienne.
Pénélope Cruz – Photo Manolo Pavón
Le film est placé sous le signe des répétitions, ou plutôt débute avec les premières lectures de l’adaptation et se termine par la scène finale, filmée dans la boîte. Autant dire de suite que le cinéma des complices argentins n’est pas un cinéma de divertissement, mais celui que préfère Manuel, un cinéma d’auteur, où le public est invité à se poser des questions.
Tourné dans un espace d’aspect futuriste, mais pratiquement sans décor, le film nous offre des répliques savoureuses où l’humour est grinçant, un magnifique trio où chacun tente, souvent avec succès, de tromper les deux autres. La séquence où Pénélope Cruz ayant fait emprisonner les deux acteurs dans des bandelettes, jette dans une broyeuse tous leurs trophées gagnés dans les festivals, ainsi que les siens propres, devrait passer à la postérité. Façon pour les deux argentins de nous dire que toutes ces récompenses obtenues dans les festivals ou lors des Oscars et Césars, sous les applaudissements de la profession, ne sont que gadgets bons pour la poubelle.
Au final, Pénélope Cruz s’interroge sur ce qu’est la fin d’un film, sur la notion de fin, pense qu’on pourrait le faire durer éternellement. L’image ultime du film, le visage de la star espagnole en gros plan, chevelure rousse, nous regardant, puis esquissant un sourire pour le public que nous sommes, est d’un esthétisme absolu. Rien que pour cette dernière image, le film vaut le détour. A condition d’aimer le cinéma d’auteur, tel Oscar Martinez, enfin Manuel, comme on veut.
Le film a été présenté à la Mostra de Venise en 2021, qui a couronné rappelons-le, « l’Evènement », d’Audrey Diwan d’après le roman d’Annie Ernaux, en salle en novembre dernier.