Décidément, la ville d’Orléans et son jardinier en chef n’aiment pas les arbres! Après les “déboires” des cyprès desséchés de la place du Martroi, ce sont les tilleuls centenaires de la place Domrémy qui se voient menacés d’abattage. Au nom des habitants du quartier Saint Marceau, le pépiniériste Alain Couteau prend la défense de ces arbres et du patrimoine qu’ils représentent.
Les tilleuls de la Place Domrémy Photo GP
Propos recueillis par Jean-Paul Briand
MagCentre : Pourquoi votre collectif d’habitants du quartier Saint Marceau est opposé à l’abattage des neuf tilleuls de la place Domrémy ?
Alain Couteau : Nous ne sommes pas opposés systématiquement à une évolution et à un nouvel embellissement de la place Domrémy, mais on peut néanmoins s’interroger sur le bien-fondé des travaux envisagés. C’est le respect de l’existant qui donne son identité aux quartiers et écrit leur histoire au fil des ans. On ne se construit bien que sur son passé. Les tilleuls de la place Domrémy représentent la mémoire et l’âme du quartier Saint Marceau. Ils sont intimement liés à l’église car les premiers ont été plantés en 1903, à la fin de la construction de l’édifice religieux. Abattre les tilleuls, c’est détruire une part du passé du quartier Saint Marceau !
MagCentre : Certains de ces arbres ne sont pas en bonne santé et leur abattage peut-il être justifié ?
Alain Couteau : Effectivement, trois des tilleuls ont leur tronc abîmé par les pare-chocs de voitures qui se garent sans précaution sur la place. Par ailleurs, des défauts sont logiquement apparus avec les années. Cherchons plutôt à les soigner pour les conserver plutôt que de les éliminer. En taillant régulièrement les houppiers (branche des sommets d’un tronc) on diminue les contraintes sur celui-ci. Les tilleuls sont des arbres qui vivent très longtemps. Sur les neuf arbres de la place, de toute beauté en ce début de printemps, six méritent de vivre encore bien des années. Dans un futur proche, nous serons probablement tous sensibles et vigilants envers les vieux arbres. Les hommes rechercheront probablement un meilleur lien avec la nature par la préservation du patrimoine végétal. La sauvegarde de ces arbres centenaires, avec leurs légitimes défauts, est une marque de respect envers la nature.
MagCentre : Quel est l’intérêt de garder ces vieux arbres ?
Alain Couteau : Par leur parfum et les vertus de leurs fleurs mellifères, ces tilleuls participent à la biodiversité. Ils attirent ainsi de nombreux insectes dont les emblématiques coccinelles qui y pullulent. Même en plantant des arbres conséquents, il faudra des décennies pour obtenir l’équivalent de ce que l’on a actuellement. Par ailleurs, en ce début d’année, on subit une sécheresse extrême. Il est de plus en plus fréquent de voir de jeunes arbres dépérir ou mourir à cause du manque d’eau. Avoir des arbres robustes qui n’en souffrent pas est un réel atout. Ce serait une hérésie d’abattre des arbres en bonne santé et résistants. Les tilleuls de la place Domrémy, par leur importante et élégante ramure procurent une ombre fraîche appréciée par les habitants. Les travaux envisagés sur la place Domrémy ont un coût important pour la collectivité. Quel en sera le bénéfice recueilli ? La nature se portera-t-elle mieux ? Avant combien d’années, pourrons-nous vraiment constater un authentique meilleur bien-être pour les habitants du quartier ?
MagCentre : Que proposez-vous ?
Alain Couteau : La municipalité a édicté la charte orléanaise de l’arbre urbain « J’ai fait un rêve : la ville où il fait bon pousser ». Pour les grands arbres en ville, en ce moment, il semble bien difficile de faire respecter cette charte. Dans notre cité Johannique, au riche passé d’horticulteurs passionnés (dont St Marceau était le berceau) et actuellement encore très dynamiques, la préservation du patrimoine végétal devrait être naturelle. Si la volonté de repenser la place Domrémy persiste, au lieu de tout raser et de partir d’une feuille blanche, créons plutôt un espace de vie autour de ces tilleuls centenaires comme témoin de la permanence d’un attachement envers la nature et l’histoire de notre quartier.
A lire aussi: Les Orléanais n’iront plus sous les tropiques