La nouvelle exposition du Fonds Régional d’Art Contemporain d’Orléans (FRAC), UNIDENTIFIED FLYING OBJET (UFO), performer l’architecture, fait revivre à Orléans l’un des groupes emblématiques de la néo-avant-garde florentine en architecture à la fin des années 60. Visite guidée.
Par Sophie Deschamps
En collaboration avec l’Université catholique de Louvain, le FRAC du Centre-Val de Loire nous dévoile un moment décisif de l’histoire de l’architecture italienne de la fin des années 60 à Florence. Pour Abdelkader Damani, directeur du FRAC : « Nous continuons l’exploration des mouvements radicaux non pas simplement pour faire leur histoire mais pour essayer de les interpréter et de les comprendre à l’éclairage des situations actuelles. »
Ainsi, pendant qu’à Paris ouvriers et jeunes lancent des pavés et des slogans libertaires en mai 68, les étudiant.es de l’école d’architecture de Florence occupent les lieux et remettent en cause l’enseignement de leurs professeurs pour faire exploser les conventions de l’architecture de l’époque. Une contestation anticapitaliste qui se formalise avec la création du groupe UNIDENTIFIED FLYING OBJET, UFO (objets volants non identifiés, en français) en 1967 par cinq étudiants, bientôt suivi de l’occupation de l’école. Les futur.es architectes en profitent alors pour développer leur vision de l’architecture qui est en fait une contre-architecture.
Ce groupe de la néo-avant-garde florentine pop, joyeux, libre et débridé est composé de quatre garçons et d’une fille : Patrizia Cammeo, Carlo Bachi, Lapo Binazzi, Riccardo Foresi et enfin Vittorio Maschietto. Comme l’explique l’une des commissaires de l’expo, Beatrice Lampariello, de l’Université Catholique de Louvain : « Ce nom de UFO poursuit l’objectif très clair de se donner un nom qui soit aussi représentatif de la nature et du caractère de sa production. »
La philosophie d’UFO est en effet radicale puisqu’elle s’oppose catégoriquement à toute forme d’architecture, complice selon le groupe du capitalisme. Leur crédo est de s’opposer à la fabrication en série d’éléments de construction pérennes, en créant par exemple des structures gonflables éphémères, présentées comme des performances pour se rendre visible dans l’espace public et notamment sur les places de Florence. Comme le précise Boris Hamzelan, autre commissaire de l’expo, « UFO a très vite compris la puissance de l’action éphémère avec d’un côté des objets de communication comme les structures gonflages et d’un autre côté des corps en action. Les corps des étudiants qui présentaient ces objets dans les rues.»
« L’ingénieuse conquête de la montagne du tigre »
Même pour la présentation de leurs travaux de fin d’études, indispensables pour obtenir le précieux sésame du diplôme, les membres d’UFO vont là aussi réussir à contourner la contrainte en proposant des projets qui détruisent l’architecture au lieu de la créer. Ainsi, en 1970, UFO présente L’ingénieuse Conquête de la montagne du tigre. Sous ce titre énigmatique se cache une carte dont la zone d’implantation est prévue entre les deux villes Sesto Fiorentino et Florence mais qui occupe en fait toute l’Italie du Nord afin de créer un “territoire discontinu”.
La montagne du tigre est un mont tronqué sur lequel sont répartis six projets qui sont en fait des manifestes : un fenil (grenier à foin) restauré, un magasin de vêtements, une villa “sous le cratère”, une villa et un observatoire “avec muraille chinoise en caoutchouc”, une villa “romaine” et enfin une villa “village mexicain”. L’ironie et la dérision étant ici présentes dès l’intitulé de certains projets. Des projets qui revendique une “architecture narrative et communicationnelle”. Le plus étonnant est que ces travaux ont été validés et que nos cinq étudiant·e·s ont bien obtenu leur diplôme d’architecture.
Et après ?
UFO va participer au cours des années 70 à la création d’un laboratoire de design alternatif, The Global Tools. Car son champ d’action on l’a vu s’affranchit du champ de l’architecture. Ainsi UFO participe jusqu’à 1978 à de nombreuses expositions, pièces de théâtre, concours et revues pluridisciplinaires. Car s’il refuse la pérennité de l’architecture, UFO a tout de même le souci de laisser une trace en Toscane mais aussi au-delà. D’où la production également de films et d’articles dans la revue Marcatrè qui lui permet de diffuser largement ses idées.
UNIDENTIFIED FLYING OBJECT (UFO) Performer l’architecture
au FRAC Centre Val-de-Loire en collaboration avec l’Université catholique de Louvain
du mercredi au dimanche de 14h à 19h, entrée gratuite
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Photo de Une : Présentation du manifeste d’UFO sur les murs de l’école d’architecture de Florence en 1968, archives Patrizia Cammeo, Florence. Photo Sophie Deschamps