Invitée d’honneur par la municipalité d’Orléans pour ces fêtes johanniques, la réalisatrice ukrainienne Masha Kondakova vient de sortir un film qu’elle a tourné pendant la guerre du Donbas. Elle s’est attachée à trois femmes ukrainiennes engagées dans ce conflit. Avec des images fortes, son reportage-documentaire prend une dimension supplémentaire depuis quelques mois.
Par Bernard Cassat
Masha Kondakova a fait une partie de ses études en France et parle parfaitement le français (entre autres : elle dit être quadrilingue). Elle a réalisé des spots publicitaires pour de grandes marques de luxe, et plusieurs courts métrages dont un remarqué au festival de Locarno. A partir de cela, elle a réussi à rassembler une production pour un documentaire sur la guerre du Donbass, Inner wars, ou les guerres intérieures.
Dans une interview qu’elle donne à Pierrick Fay, disponible en podcast des Echos, elle raconte son projet et la réalisation du film. Elle voulait trois dimensions, le passé, le présent et le futur. Elle a donc filmé trois femmes. Ira, une femme qui a sauté sur une mine dans les premiers temps de la guerre et qui a perdu les deux jambes et un œil. Une femme totalement dans la guerre, Lira, ancienne journaliste qui a démissionné pour s’engager en tant que combattante, un présent sur le front. Et Lena, dite Witch, la sorcière, une femme plus âgée qui commande un groupe de mortier. Après la destruction de sa famille, elle a retrouvé au front un nouvel amour et le film se termine sur son mariage.
Un tournage de trois ans
Le tournage a eu lieu pendant une période de trois ans, de 2016 à 2019. Masha raconte comment la petite équipe de quatre personnes, souvent dans l’illégalité par rapport à l’armée, est restée avec les troupes au front, comment elles ont ainsi gagné leur confiance et put tourner dans un danger permanent. On entend constamment les obus éclater autour d’elles. L’équipe a vécu, et donc filmé, les conditions de vie terribles de la vie au front, surtout pour les quelques femmes, dans une armée plutôt patriarcale, comme elle le dit gentiment.
Des tranchées, des terriers pour dormir, protégée par du plastique. On n’est plus dans les tranchées de 1915, mais les conditions y ressemblent. Le front, pourtant, est assez flou. Les combattants plus répartis, plus cachés. Des mines un peu partout. Masha a plutôt recherché à saisir la vie de ces trois femmes plutôt que des images chocs de violence. On entend les obus tomber mais on ne voit pas directement leurs dégâts. La violence dans ses images est au fond des personnages. Seule Ira, qui vit maintenant à Kiev, ne peut s’empêcher quelques sorties très dures envers Masha qu’elle interpelle à l’image. Comment ne pas lui pardonner ?
Film poignant et témoignage fort sur cette guerre du Donbass. Qui malheureusement n’était qu’un « prélude » aux événements actuels…