Orléans Bach Festival a présenté les six Suites pour violoncelle seul à l’Institut jeudi et samedi derniers. Jouée avec brio par Yska Ben Zakoun, la musique était entrecoupée de textes dits par Christian Massas, tirés d’un livre de Simon Berger. La folle aventure de Bach allant rencontrer à pieds le maître de Lübeck, Dietrich Buxtehude. Un formidable moment de musique mise en scène.
Par Bernard Cassat

Christian Massas, Simon Berger et Yska Ben Zakoun. Photo BC
1703. Bach n’a pas encore vingt ans. Il vient d’accepter le poste d’organiste à l’église Saint Boniface d’Arnstadt. Organiste, il a déjà un sérieux bagage de compositeur. Pendant les cinq ans qu’il passe à Arnstadt, il compose, entre autres, les six suites pour violoncelle seul. Et il intercepte par hasard une partition de Buxtehude, le maître de Lübeck, de cinquante ans son aîné. Il en est tellement ému qu’il décide d’aller voir son collègue. A pieds, comme il a l’habitude de voyager. Il demande un mois de congé qu’on lui accorde. Et part vers le nord. Simon Berger raconte cette folle aventure du plus équilibré des musiciens dans un récit littéraire très documenté, Laisse aller ton serviteur. Christian Massas en a tiré des passages, et Yska Ben Zakoun a formidablement travaillé cette partition. Ils ont présenté ce spectacle à l’Institut d’Orléans en deux parties, les trois suites impairs le jeudi 28 et les trois paires le samedi 30 avril. Impressionnant concert mis en scène !

Yska Ben Zakoun. Photo Philippe Brame
Jouer les six suites est une prouesse. Deux heures de musique complexe, réputée difficile, demandent un énorme travail que Yska Ben Zakoun a bien caché derrière une aisance impressionnante, donnant un sentiment de spontanéité qui rend cette musique pleine de vie. D’autant que le violoncelle sied parfaitement à Bach. Il en exploite toute l’intensité du son, cette émotion profonde que recèle l’instrument, à la quelle s’ajoute bien sûr la magie de sa composition. Il y a quelque chose de très jeune, comme un langage qui se découvre et s’affirme, et aussi une plénitude nostalgique propre à la maturité. De la joie enfantine et un spleen immémorial. La ligne mélodique se déroule avec ses pleins et ses déliés, sa rigueur mais en même temps ses enluminures, et trace une route que Bach concevait vers Dieu, mais qui peut tout simplement être perçue comme une pure émotion artistique. L’équilibre, la force, l’unité de ces compositions, la simplicité, l’évidence de la phrase entendue même par un néophyte en musique touche directement.
Chritian Massas, en narrateur joueur et malicieux, offre un très bel écrin à cette musique jouée avec naturel et authenticité par Yska. Belle initiative d’Orléans Bach Festival, qui retrouve toute sa vigueur après deux ans de Covid.