Jeanne d’Arc à la carte et à toutes les sauces

Alors que nous vivons les 593e fêtes johanniques d’Orléans, zoom sur les deux hors-séries consacrés à La Pucelle d’Orléans et édités fin 2021 par le Cercle des cartophiles du Loiret. L’occasion de redécouvrir notre héroïne locale et nationale sous divers aspects de sa récupération politique et religieuse à l’exploitation commerciale de son image.

Par Sophie Deschamps

Les deux expressions “Jeanne d’Arc à la carte” et “Jeanne d’Arc à toutes les sauces” sont très justes tant cette jeune fille a été l’objet de toutes les exploitations et récupérations possibles. Dans son avant-propos de Jeanne à la carte, Christian Chenault, ethnologue local bien connu et président du Cercle des cartophiles du Loiret indique d’ailleurs que ce hors-série « donne à voir quelques-unes des multiples représentations, parfois fantaisistes de la “Pucelle d’Orléans” liées au Val de Loire orléanais et plus largement à l’ensemble de notre région. »

C’est aussi  l’occasion bien sûr pour ce Cercle de publier de nombreuses cartes postales ayant un rapport avec cette héroïne nationale : « Nous n’avons pas la prétention de faire un travail historique, précise d’emblée Christian Chenault, mais plutôt un décryptage au travers des images et de l’iconographie parce que c’est riche et marrant parfois. » 

Jeanne d’Arc a laissé sa trace dans notre région

Ce fascicule richement illustré reprend donc à travers des cartes postales mais aussi des photos, des gravures, des peintures, des tapisseries et des sculptures, les différentes étapes de l’épopée de Jeanne d’Arc à travers notre région. Car même si Orléans reste l’étape capitale, on retrouve sa trace à Chinon en Touraine et dans le Loiret à Jargeau, à Beaugency ou à Patay.  Mais sa présence, et c’est moins connu, est aussi attestée en Sologne à Selles-sur-Cher, Mennetou-sur-Cher, Blois ou encore le hameau de Choux-sur-Cisse où une carte postale ancienne atteste de son passage pour une nuit à la ferme de Laleu le 24 avril 1429. On la retrouve ensuite dans le Berry à Bourges, Culan et Mehun-sur-Yèvre. 

On découvre aussi dans cet ouvrage des artistes comme le sculpteur loirétain Charles Desvergnes célèbre pour sa sculpture de la « Bienheureuse Jeanne d’Arc » (1909) représentée priant avant d’aller au combat, les mains croisées et portant l’étendard sous son bras droit. Une statue reproduite un peu partout dans le monde.

Mais revenons à Orléans puisque ce bulletin consacre de nombreuses pages aux Fêtes Johanniques. On y apprend notamment que les francs-maçons ont défilé à Orléans pour la seule et unique fois en 1907, le clergé ayant refusé de défiler à leurs côtés.

Et puis Marcel Marron, célèbre fabricant de cartes postales reprenait parfois les mêmes clichés du défilé du 8 mai d’une année sur l’autre tellement ces fêtes se ressemblent et surtout rassemblent les mêmes personnes : « Oui, il ne prend même pas la peine de refaire les clichés, il change la date. Mais il existe plus de 1500 cartes postales consacrées à ces fêtes »,  précise Christian Chenault. Et des cartes postales précieuses qui dans ce cas sont de véritables documents historiques.

Le second hors-série Jeanne d’Arc à toutes les sauces est bien sûr encore plus savoureux que le premier puisqu’il nous donne à voir toutes les utilisations de Jeanne d’Arc, patriotique, religieuse, culturelle et commerciale. Dans son avant-propos, Christian Chesnault ajoute même que cette expression “Jeanne d’Arc à toutes les sauces” a été employée pour la première fois en 1962 par Jacques Rameau, journaliste à La République du Centre.

Côté politique, on retient surtout la récupération de longue date par l’extrême droite de notre héroïne nationale. Comme l’a encore montré ce 1er mai le dépôt de gerbe par le jeune Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement National devant la statue de Jeanne d’Arc place Saint-Augustin à Paris. Preuve s’il en était besoin que ce parti ne rompt en rien avec les habitudes du désormais patriarche Jean-Marie le Pen.

D’un point de vue commercial, il est amusant de voir que notre jeune Lorraine a été utilisée comme image marketing pour vendre à peu près tout et n’importe quoi notamment dans l’alimentation :  chocolats, biscuits, fromages, confitures. Certaines appellations perdurent encore aujourd’hui comme Les Cafés Jeanne d’Arc ou bien encore la bière artisanale La Pucelle d’Orléans vendue exclusivement depuis septembre 2021 dans une brasserie à Saint Jean de Braye, sans oublier le célèbre Cotignac. Dans les produits d’entretien Christian Chenault pointe « la benzine Jeanne d’arc (1929) qui ne brûle pas et ne laisse aucune auréole. Certains ne manquaient pas d’humour à l’époque ! » 

Plus réjouissant est sa présence récurrente dans la création culturelle, théâtre, livres, chansons, cinéma… avec pas moins de 52 films qui lui sont consacrés dont celui de Luc Besson sorti en 1999. Mais comme le raconte ce hors-série, le grand film “Jeanne d’Arc” de Victor Fleming de 1948 a permis la reconstruction du musée Jeanne d’Arc alors situé rue du Tabour grâce à des soirées de gala dont une au cinéma L’Artistic (aujourd’hui disparu) le 24 octobre 1949. On apprend aussi qu’Ingrid Bergman qui incarnait notre héroïne était venue en 1948 à Orléans.

Bien sûr, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux les cartes postales ont tendance à être moins nombreuses même si elles résistent encore plutôt bien. Mais comme le fait remarquer Christian Chenault : « Jeanne d’Arc inspire encore les artistes d’aujourd’hui comme l’humoriste Jean Claval ou bien encore la jeune Adeline Lemétais qui a créé une série de “Petite Jeanne” ». Sans oublier Jean-Luc Perrigault ou bien encore Patrick-Yves Bousseton qui eux n’hésitent pas à réaliser des dessins érotiques de Jeanne d’Arc. Mais pour les découvrir, il vous faudra acheter le livre. 

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