La 46e édition du PdB est désormais close. Elle aura été celle du retour à la vie, celle des rires et des chants comme sur la planète de Casimir. Elle augure d’une poursuite d‘une évolution débutée au siècle dernier et qui s’ajuste au gré des mœurs, des usages et des musiques. Surtout des musiques…
Par Fabrice Simoes
Parce que, comme Dieu/Brel l’a dit avant qu’on le mette dans le trou, « J’veux qu’on rit, j’veux qu’on danse, j’veux qu’on s’amuse comme des fous », on a créé le Printemps de Bourges, en Berry et à la bonne saison. Il aura eu des hauts et des bas, des semi-éditions, des masquées et d’autres pas, des années humides (pas mal d’ailleurs), des années sèches aussi, des fraîches et des chaudes. Boris Védel, le patron, annonçait que le PdB 2022 serait « une édition de transformation » juste après un Printemps de Bourges de « résistance » en 2021. Même si l’évolution est désormais visible depuis plusieurs années déjà, le boss du PdB n’avait pas menti.
Passer d’une programmation 88 où s’affichaient, entres autres, Barry White, Boy George, Charles Aznavour, Def Leppard, Franck Zappa (le vrai), Jean-Louis Aubert, Jimmy Cliff, Johnny Clegg et Savuka (selon certaines sources : 18 000 spectateurs sous la grande bâche), Midnight oil, Noir désir, Pigalle, Serge Gainsbourg, Stéphan Eicher, Marillion version Fish, ou encore Little Bob Story, à celle de 2022 composée des émergents de la scène française actuelle accouplés avec quelques valeurs sûres comme Dutronc & Dutronc, Gaëtan Roussel, Vianney, Juliette Armanet, Eddy de Pretto, IAM ou Clara Luciani, ne pouvait pas se faire en un jour. Quelques étapes étaient forcément nécessaires…
Au siècle dernier, dans les eighties, on pointait le cap des 150 000 spectateurs. On pointait aussi le dépôt de bilan vous me direz ! Désormais, l’axe est dans les « capsules » et des performances souvent créées pour un seul festival/spectacle. Désormais, on booste les petits jeunes qui feront les musicos de demain, comme au foot. Là, on forme les nouvelles générations d’une industrie qui mangent ses propres enfants à la manière d’un Thyeste des temps modernes. Le temps de scène est parfois éphémère mais… Au siècle dernier quatre barrières fermaient le cercle pour les carrés des zones techniques. Désormais, pour les trois rangs d’ordinateurs, de consoles, de matos, et de personnels qui vont avec, on doit quasiment pourrait faire appel au même prestataire de service qu’ASO pour une arrivée de Tour de France.
Le PdB poursuit donc sa mue vers un autre mode de fonctionnement, vers un festival à échelle plus humaine probablement. Un festival à l’économie contenue, placé sous le signe d’une « écologie de marché ». Un festival du moment présent où la scène de la place Séraucourt n’accueille plus que des DJ sets. Jamais moins de 800 serials danseurs devant la scène pour chaque prestation. Son unique et monostyle peut-être, mais succès évident pour les organisateurs qui n’en attendaient pas tant. Au pied du château d’eau, la musique du père de papa, celle qui allait de Led Zeppelin à King Crimson et de John Lee Hoocker à Alvin Lee, est tellement dépassée.
En ce nouveau millénaire, les rythmes pour cadencer les groupes de cheerleaders ont rendu tous les métronomes du monde caduques. Les violons sont devenus accessoires écrasés par les guitares électriques. Les guitares électriques sont devenues accessoires débordées par les claviers de synthés. Les synthés sont devenus accessoires bousculés par les platines et ordis. Demain, les platines set seront aussi des accessoires écrabouillées par… le grand philosophe Franck Ribéry avait, un jour, annoncé que « quand la roue tourne va tourner… ». Cette roue-là est montée sur pignon fixe et s’est acoquinée avec une vis sans fin !
Au regard de la tournure de ces adaptations, un boomer nostalgique lancerait certainement : « Qu’est-ce qu’il vont morfler les jeunes de maintenant ! ». Ils s’en foutent un peu parce que eux aussi, avant qu’on les mettent dans le trou, ils hurlent qu’ils veulent danser, rire et s’amuser comme des fous !
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