Après deux éditions à Orléans, au nom de l’équité territoriale, l’édition 2022 de la biennale d’art et d’architecture « Infinie liberté, un monde pour une démocratie féministe » se déroulera dans la deuxième ville du Cher, de septembre à décembre prochain. Une délocalisation assumée pour aussi retrouver l’esprit de son créateur.
Par Fabrice Simoes
Jack Lang, l’ancien ministre de la culture, initiateur des Frac (Fonds régional d’art contemporain), expliquait en 2013 que « en 30 ans, l’œil s’est habitué à porter d’autres lunettes pour regarder le monde autrement ». Une décennie plus tard, ou presque, l’œil est encore plus affûté et les fonds s’avèrent des éléments incontournables des politiques culturelles des régions, en Centre-Val de Loire comme ailleurs.
A l’inverse de la capitale régionale, Orléans, mais comme la capitale du Berry, Bourges, Vierzon avait candidaté au label « Capitale française de la culture » en 2020. C’est en partie dans la continuité de cette volonté de conduire de grandes orientations culturelles que la décision de délocaliser la biennale du Frac Centre-Val de Loire a été prise. « Pensant la proximité comme avenir du monde, la Biennale d’Art et d’Architecture sera réfléchie à la manière d’une « Manifesta de proximité », dans laquelle les événements artistiques seront organisés selon une logique itinérante susceptible de s’emparer à chaque édition d’un territoire nouveau », assure-t-on du côté du Frac. Depuis 2018, ce dernier entretient un partenariat « fructueux » avec la municipalité de la sous-préfecture du Cher.
Et comme l’objectif est de faire de « la Biennale un événement moteur de dynamique urbaine, architecturale et artistique autant qu’un moment pour construire le vivre ensemble et engager les citoyennes et citoyens à s’approprier leur cité », Vierzon entrait parfaitement dans le champ d’investigation potentielle. Il ne restait qu’à concrétiser… De septembre à décembre prochains, l’édition « Infinie liberté, un monde pour une démocratie féministe » se déclinera dans et autour des sites mis à disposition dans la cité berrichonne.
Dans la filiation de Rabat
Si les biennales orléanaises de 2017 (Marcher dans le rêve d’un autre) et 2019 (Nos années de solitude) avaient entrouvert « la perspective d’exposer les artistes et architectes femmes de façon constante… », cette édition en Berry veut aller plus loin. L’objectif est clairement énoncé : « En finir avec l’invisibilisation des femmes dans l’histoire de l’architecture et de l’art. » Dès lors les concepteurs de la biennale ont opté pour une filiation directe avec celle de 2019, à Rabat. Elle sera à l’invitation exclusive d’artistes et architectes femmes. « Peut-être qu’une fois ces combats gagnés, une relecture de l’histoire de l’art par le prisme du féminisme et l’acceptation égalitaire des genres, nous verrons pointer le commencement d’une « démocratie féministe » …
18 lieux, pour 4 paysages – le paysage du temps, l’utopie des territoires, le monde bâti des femmes et le tiers féminisme – verront les installations de 30 artistes et architectes. Des lieux emblématiques vierzonnais, comme le B3 et ses structures métalliques, comme le site Rollinat, comme le « pont de Toulouse », comme le square des remparts, seront investis. Une manière de repenser la manière de s’approprier l’espace public aussi.
Des actions seront par ailleurs dirigées vers le tissu associatif local. « Pensé comme un forum de débats », une suite d’accompagnements des mutations de politique publique, des actions citoyennes pourraient être menées avec divers intervenants. Cette gestation inter-sociétale compterait tout autant artistes, Maisons de quartier et jeunes, Centre de planification familiale, radio Tintouin, Croix rouge, écoles CCAS et Ehpad, pour mener une réflexion sur un idéal de société.
Trois projets ont déjà débuté avec autant de partenaires. Ainsi, l’École des Arts décoratifs de Paris, planche sur la création par 13 étudiants, sous la direction de Flora Bouteille, une performance pour interroger les notions de corps et de désir dans un monde de démocratie féministe. Ainsi l’Université polytechnique de Valencia a lancé des travaux dirigés par la professeure Monica Garcia Martinez. 23 étudiants retracent l’histoire de l’espace public par le prisme du genre. Ainsi l’ENSA (École nationale supérieure d’Art) de Bourges travaille à la création d’œuvres contextuelles produites au sein du lycée local professionnel Henri-Brisson.
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Liste des artistes :
Louisa Babari, Sophie Berthelier et Véronique Descharrière, Agence d’architecture BIENTOT, Clémentine Chalançon, Ferielle Doulain-Zouari, Clarisse Hahn, Beate Hølmebakk (Manthey Kula), Anne Houel, Flora Jamar, Mouna Jemal Siala, Hanna Kokolo, Brigitte Mahlknecht, Maria Mallo, Ovidie, Anna Ponchon, Anila Rubiku, Leïla Saadna, Mairea Segui Buenaventura, Giovanna Silva, Mireia Luzárraga (Takk), Laure Tixier, Elvira Voynarovska, Katharina Cibulka.