“En corps” de Cédric Klapisch: pour aller de l’avant, toujours

Cédric Klapisch se tourne vers l’opéra et ses danseuses classiques, mais c’est pour mieux parcourir un trajet vers la danse contemporaine et montrer ainsi les diverses facettes de cet art à la fois individuel et collectif. Avec comme souvent chez lui des acteurs, danseurs de surcroît ici, remarquables, il nous entraîne dans une histoire simple et belle, remplie de petits riens qui font tout son charme. Une ode à la beauté et au mouvement.

Par Bernard Cassat

Elise, jouée par Marion Barbeau, en Bayadère à l’Opéra Garnier. Photo Emmanuelle Jacobson-Roques – CQMM

En corps, c’est l’histoire d’une blessure. Une jeune danseuse de 25 ans, Elise, se blesse en dansant La Bayadère. Fin de la danse classique pour elle. En tous cas, on le lui dit et elle le croit. Mais elle va renaître à la danse, par une suite de circonstances tout à fait représentatives de la Klapisch’s touch, dans une compagnie de danse moderne, celle de Hofesh Schechter. C’est donc aussi l’histoire d’un passage du classique au moderne, des pointes aériennes aux ancrages des talons dans le sol, de la rigueur contrainte et sophistiquée à l’expressivité primale.

Une confrontation d’éléments contradictoires qui tous, au fond, participent à la beauté finale des ballets sur scène. De longues séquences entament le film, tournées à l’opéra, et nous font approcher la beauté d’un grand ballet classique, ses difficultés techniques, ses harmonies de groupe et ses exploits individuels. Plus tard dans le film, on aura de magnifiques séquences d’une compagnie de danse moderne qui évolue dans des mouvements d’ensemble très rythmés. L’énergie n’est pas la même mais dans le classique en tutu ou le moderne en survêtements, la beauté du spectacle est aussi forte.

Des acteurs-danseurs formidables

Sur cette trame qui est une sorte d’ode à la danse, quelle qu’elle soit, Klapisch comme souvent brode des motifs cinématographiques avec des personnages forts et des acteurs puissants. Elise, c’est Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris mais aussi excellente actrice. Elle porte sur sa cheville tout le poids du film avec succès. Elle déploie avec finesse toute une palette d’enthousiasmes et de déceptions, d’espoirs et de craintes. Et montre, puisque le film le veut ainsi, son très grand art sur les pointes comme dans les gestes plus violents de la danse contemporaine. François Civil en kiné-ostéopathe émotionnel est formidable. Trompé par sa copine, il se met à pleurer magnifiquement. Econduit par Elise dont il est tombé amoureux, il hurle dans les coussins pour décharger son chagrin avant de revenir à la normale. Pio Marmaï en cuistot que la bouffe a sauvé de l’emprise de la cité, déconneur et contradicteur permanent, semble sortir directement de sa séance de Thérapie. Mehdi Baki, danseur et chorégraphe, époustouflant en hip hop, sait aussi saisir l’émotion d’un soleil couchant. Et tous les autres jeunes danseurs-euses sont tous formidables sur scène comme dans le film.

Elise recommence à danser . Photo Emmanuelle Jacobson-Roques – CQMM

Deux très beaux personnages de parents

Et puis, comme souvent chez Klapisch qui sait attirer les talents, deux grands de la génération d’avant. Podalydès qui tombe dans le film comme un avocat dans une compagnie de danse. Il a toujours l’air d’être ailleurs, totalement paumé mais plein de réflexions qui habitent son regard attentif. Sa compréhension de sa fille, anecdotique au début du film, finira intense et bouleversante. Et puis Muriel Robin, une blessée elle aussi, qui a su passer outre pour favoriser des « éclats de beauté », comme elle dit à Elise. Tenancière d’un lieu ouvert aux artistes en Bretagne, qui viennent travailler et vivre quelques temps chez elle, elle pose ses yeux intenses sur ces jeunes avec un appétit de vivre, et porte aussi le « message » du film, l’idée que rien n’est jamais foutu, que la vie est la plus forte, qu’il faut sans cesse la provoquer, qu’on peut en avoir plusieurs.

En corps, c’est donc une ode à la beauté, quelle qu’en soit l’approche. Faire quelque chose de son corps, chanter, jouer de la musique, danser. Faire du cinéma… tellement bien ficelé qu’on en redemande. Encore !

 

En corps

Scénario : Cédric Klapisch, Santiago Amigorena

Réalisation : Cédric Klapisch

Interprètes : Marion Barbeau, Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub, Mehdi Baki, Denis Podalydès, Muriel Robin

Musique : Hofesh Schechter

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Commentaires

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  1. J’y suis allé à reculons à Blois et ne voulais plus sortir de la salle tant c’est puissant et envoûtant. Et le débat qui suivit avec Jonathan Breton, danseur-chorégraphe, passé du Loir-et-Cher, à New York et d’autres contrées, avant de revenir au pays à Vineul-Saint-Gervais, près Blois, n’en fut que plus intéressant pour poursuivre la magie de ce qu’avait offert le film. En sourires, jeunesses, travail, abnégations, souffrances…et leçons de vie.

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