Le billet de Joséphine : Momo le russe

On se souvient tous des fumeuses leçons de géopolitique de l’Europe Centrale à la gloire de la vaillante Russie prodiguées par Eric Zemmour* sur Cnews, des liens financiers douteux entre le Kremlin et le Rassemblement National ou de la très lucrative participation de François Fillon aux conseils d’administration de boîtes russes contrôlées par l’État ou carrément par des proches de Poutine. Drôles de rapports, qu’entretiennent pas mal de pontes de la droite française avec le dictateur russe devenu soudainement infréquentable avec la guerre en Ukraine. D’ailleurs, cocorico régional, nous aussi nous avons un as du rapprochement franco-russe qui a su donner de sa personne au nom de l’amitié entre les peuples.

Par Joséphine Kalache

Maurice Leroy (UDI)

Vous aurez bien sûr immédiatement reconnu Maurice Leroy – Momo pour les intimes, comme il aime tant à le mettre en scène lui-même -. Voilà un sacré personnage dont le sémillant Édouard Balladur disait encore il y a peu sous les applaudissements des parlementaires, « La République, c’est Leroy ». Des débuts dans le syndicalisme universitaire pendant ses études d’expert-comptable, un premier mandat en tant que maire communiste d’une petite commune du Loir-et-Cher en 1989, du boulot auprès du maire d’Orly et comme secrétaire du groupe communiste au Sénat et voilà notre Momo sur des rails pour une belle carrière.

Au cabinet de Charles Pasqua

Seulement voilà, l’URSS s’effondre fin 1991, le communisme n’a plus vraiment le vent en poupe et il s’agit de réussir le virage de l’opportunisme en toute souplesse, pourquoi pas en intégrant le cabinet de Charles Pasqua dans le cultissime Conseil Général des Hauts-de-Seine, la collectivité préférée des juges d’instruction en matière financière. Toujours maire mais en ayant changé d’étiquette, il se fait élire au Conseil Général du Loir-et-Cher en 1994 et il devient député à la faveur de la dissolution ratée de Jacques Chirac en 1997. Bien ancré localement, il poursuit la patiente construction de ses réseaux et devient un véritable petit baron en mettant la main sur la présidence du Conseil Général du 41 de 2004 à 2017. Naviguant dans les méandres du centrisme post-UDF, passé par le Nouveau Centre avant de finir à l’Union des Indépendants après avoir trahi Bayrou en 2007 en appelant à voter Sarkozy, Leroy joue la carte de la proximité et de l’élu de terrain, sympa, bon vivant, empli de bon sens, et ça marche.

Centriste sarko-compatible, il est élu vice-président de l’Assemblée Nationale en 2009, nommé ministre de la Ville en charge du Grand-Paris en 2010 puis réélu député en 2012. Fidèle soutien de Sarkozy puis de Fillon en 2017, il garde son poste de député aux législatives, se fait remarquer en présentant des amendements écrits par le MEDEF et se fait élire de nouveau vice-président de l’Assemblée en 2018. Malgré ce triomphe, avec la loi sur le non-cumul des mandats, il choisit de démissionner six mois plus tard pour devenir vice-président du Conseil Départemental du Loir-et-Cher en charge du tourisme en laissant la présidence au LR Nicolas Perruchot, désormais en retraite de la politique après quelques petits soucis de gestion de deniers publics et de citations dans le scandale des Pandora Papers pour des soupçons de dissimulation fiscale.

Le Grand Moscou

En tout cas, Leroy, visiblement hyperactif, part en 2019 travailler à Moscou en tant que directeur général adjoint en charge de l’international dans une boîte qui gère le chantier du Grand Moscou. Suite logique pour Leroy qui avait au préalable conseillé le maire de Moscou Sergueï Sobianine- un proche parmi les proches de Poutine – pour ce projet urbain pharaonique dans la capitale russe, directement inspiré du Grand Paris que Momo connaissait sur le bout des doigts. Leroy est aussi très proche de Marat Khusnullin, ancien adjoint au maire de Moscou, aujourd’hui devenu vice premier ministre chargé de la construction et pilier du système Poutine.

Depuis trois ans, Leroy alimente ses prestations médiatiques et ses réseaux sociaux de tirades sur le génie russe, sur le courage politique de Sobianine, qualifié de visionnaire, sur l’exemplarité du Grand Moscou, dressant un portrait en négatif de tout ce qui ne va pas en France, mais toujours avec rondeur et bonhommie, ses marques de fabrique.

Nicolas Sarkosy a remis la Légion d’honneur à son ancien ministre de la Ville Maurice Leroy. Crédit photo Jean-Luc Vezon.

En tout cas, depuis l’an passé, Momo a quitté son poste au Conseil Départemental mais il rentre une fois par mois dans le Loir-et-Cher où il continue d’influer sur la politique locale tout en entretenant ses réseaux. Le 10 décembre dernier, il était décoré de la Légion d’Honneur des mains de Nicolas Sarkozy himself, quelques mois plus tôt c’est Momo qui remettait la précieuse médaille à la maire de Naveil, du reste présidente du cercle des entreprises du vendômois, sans même parler de sa participation à d’autres remises de breloques pour des notables de Vendôme ou de Montoire. Mais Leroy ne se limite à quelques cocktails protocolaires, il reste clairement en politique : l’été dernier il prenait officiellement position pour soutenir Philippe Gouet à la tête du Conseil Départemental, tout en dézinguant ses anciens meilleurs amis du Modem. Parallèlement, il mettait en scène son soutien à Nicolas Forissier (LR) pour les régionales, et plus récemment, il prenait position en faveur de Valérie Pécresse pour les présidentielles.

Un océan de bonheur

Mais dans cet océan de bonheur et de réussite, un petit grain de sable est en train de gripper la machine Leroy : l’invasion de l’Ukraine par la Russie marque un tournant pour notre sympathique expatrié. Signe d’une crispation évidente, Momo a quelque peu évolué dans la présentation de son travail : se désignant jusqu’en décembre dernier comme « vice-président du Grand Moscou », il met désormais en avant le fait d’avoir été recruté par une simple entreprise privée qui exécute un contrat avec la capitale russe, mais loin de lui l’idée d’avoir des relations directes avec le Kremlin. Pourtant, il est permis d’en douter, lorsque par exemple on se souvient des voyages de Leroy en Russie aux côtés de Thierry Mariani, grande figure du lobbying pro-russe, lorsque tous les deux étaient à la tête du groupe d’amitié franco-russe à l’assemblée de 2012 à 2017. Mais si, le même Mariani qui défendait dans la presse l’annexion de la Crimée par Poutine en 2015…

Mais bon, le dilemme a été de courte durée, et plutôt que de renoncer aux 10 000 euros mensuels de son salaire moscovite, Leroy préfère jouer la carte russe. Sur les réseaux sociaux et notamment Tweeter, il partage des publications de l’Ambassade de Russie en France au sujet des fake news propagées par l’occident ou sur l’attitude agressive de l’Otan, des reportages de Russia Today au sujet de manifestations pro-nazies en Ukraine, des conférences de l’association Dialogue Franco-Russe ou des articles de Valeurs Actuelles sur la politique extérieure étasunienne anti-russe, des émissions de Cnews assez russophiles, tout en déclarant dans la presse que l’embargo occidental «  est stupide et constitue une catastrophe pour l’industrie agro-alimentaire française, qui perd des débouchés ».

« Atypique et affranchi des conventions, je le suis et le reste ! » disait Momo lors de sa remise de la légion d’Honneur. On le croit sur parole.

A lire aussi: Maurice Leroy: retour indiscret à Blois

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Eric Zemmour émission L’opinion septembre 2018

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  1. Pour information, l’entreprise dont il est le directeur adjoint (MosInzhProekt), n’est pas une entreprise privée, contrairement à ce qu’il affirme, mais une entreprise financée à 100% par Moscou !

    Elle a d’aillleurs été fondée par le comité exécutif du conseil municipal de Moscou en 1958….(https://mosinzhproekt.ru)

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