Des médecins urgentistes du Centre Hospitalier d’Orléans (CHRO) ont initié une pétition exigeant la formation de deux cents médecins supplémentaires en région Centre-Val de Loire dès la rentrée 2022. MagCentre a rencontré ces praticiens du « collectif #200 médecins » dont l’appel a reçu plus de 15 000 signatures.
Propos recueillis par Jean-Paul Briand
MagCentre : Médecins du CHRO, vous vous engagez pour résoudre le problème de la désertification médicale qui touche la Région Centre-Val de Loire, en particulier le Loiret et la métropole orléanaise. Or, la pénurie de médecins concerne essentiellement la médecine de première ligne assurée par les généralistes. En quoi cette désertification médicale intéresse-t-elle les médecins urgentistes que vous êtes ?
Collectif#200 médecins : Régulièrement, les services d’urgence des hôpitaux constituent non seulement la première ligne, qui devrait normalement être assurée par les généralistes, mais bien souvent la seule ligne accessible. De plus en plus de patients n’ont pas de médecin traitant. Quand ils en ont un, ils ne peuvent parfois pas accéder à une consultation avant plusieurs semaines ou encore leur médecin, trop sollicité, refuse tout déplacement. Les patients n’ont pas d’autre recours et nous sollicitent le plus souvent après avoir attendu, longtemps parfois. Dans notre région du Centre-Val de Loire, le désert médical est « le plus aride » de France. La pénurie de médecins y concerne autant les généralistes que les spécialistes. Ce désert n’est pas l’apanage des campagnes profondes : les quartiers des métropoles sont aussi concernés ! La prévention, les soins réguliers sont devenus un luxe auquel le commun des mortels ne rêve plus. Les médecins que nous sommes doivent assumer la veille sanitaire, mais, seuls, cette mission devient impossible. Un hôpital sans médecins autour n’est rien, et vice-versa. Le service d’aide médicale d’urgence (SAMU) est malgré lui un observatoire de l’aggravation extrême de la pénurie en médecins. Les services d’urgence hospitaliers sont souvent la dernière lumière dans la nuit, voire en journée. Nous ne voudrions pas que cette lueur vacille !
MagCentre : Quelles sont vos doléances prioritaires dans l’immédiat ?
Collectif#200 médecins : L’accès aux soins est un droit. L’accès à la prévention également. Nous voulons que soit restaurée une situation de droit. La société doit réparer le retard dramatique qu’elle a laissé s’instaurer malgré les messages répétés depuis des décennies. Deux cents médecins de plus chaque année doivent être formés dans notre région, et ce, dès la prochaine rentrée 2022. La sélection en première année est très dure. Il ne sera pas difficile, parmi les quelque 1700 étudiants qui postulent actuellement, d’en sélectionner de très brillants, surtout que la promotion qui a tenté sa première chance l’an dernier a essuyé les plâtres et les injustices d’une réforme d’ailleurs condamnée par le Conseil d’État. Deux cents étudiants de plus à Orléans dès septembre 2022, qui seront internes en 2027. Nous n’avons plus le temps d’en perdre davantage. Les étudiants déjà formés à Orléans s’y épanouissent et vantent la bienveillance des encadrements en stages.
MagCentre : Si la promesse du Premier ministre est effectivement suivie d’effet, le CHRO deviendra CHU. Comment envisagez-vous ce changement de statut ?
Collectif#200 médecins : Le CHRO est doté d’un bâtiment exceptionnel – le plus gros chantier hospitalier de France en son temps – qui permet tous les développements. Les compétences de ses équipes médico-chirurgicales n’ont rien à envier à de nombreux CHU. Les partenariats avec les laboratoires de recherche et avec l’université de la capitale régionale sont des atouts porteurs. L’enthousiasme, d’ores et déjà suscité au sein des équipes du CHRO par l’annonce, est réel, motivant et communicatif. A l’évidence, de nombreux praticiens performants seront intéressés pour intégrer cette transformation et construire le grand CHU de demain que mérite la métropole orléanaise. Paris est une pépinière de talents médicaux à notre porte. Nous avons déjà connaissance de candidatures spontanées, arrivées dès la première semaine après l’annonce ministérielle. La qualité de vie et la beauté de nos bords de Loire ne sauront que les attirer davantage.
MagCentre : D’après vous, quels pourraient être les obstacles et les oppositions à la mise en place de cette décision historique ?
Collectif#200 médecins : Le Premier ministre s’est engagé à ce que notre beau navire hospitalier régional devienne officiellement universitaire. Nous ne pouvons douter de l’engagement total du chef du gouvernement envers tous nos politiques régionaux, alliés dans une exceptionnelle union républicaine, pour porter la nécessité de la création d’une deuxième faculté de médecine en région Centre-Val de Loire. Qui diable pourrait s’opposer à un tel projet ?
La région entière a besoin de la création de médecins issus de nos territoires, pour nos territoires. Nous ne pouvons nous résoudre à accepter cette fatalité du désert médical, issue de l’inertie et des prophéties auto réalisatrices du type « il n’existe aucune solution ». Leur impact a déjà été catastrophique sur la vie des citoyens et des professionnels de santé.
Bien sûr, cette aventure d’un CHU à Orléans requiert des moyens. Puisque les capacités de formation de la Faculté de Médecine de Tours auraient atteint leur acmé, il doit être permis à Orléans d’assumer également une part de cette mission régionale. La décision doit être prise d’augmenter, sans plus tarder, à 500 le nombre d’étudiants en médecine formés chaque année dans notre région. Des territoires similaires, comme la Normandie ou la Bourgogne-Franche Comté, possèdent deux facultés de Médecine et ont à peu près cette capacité de formation, alors qu’ils n’ont pas notre dette de médecins.
Cette décision de créer un CHU à Orléans est en effet historique. Pendant des décennies, des hommes ont porté ce projet. L’Université et le CHRO vont s’unir dans une magnifique communauté hospitalo-universitaire qu’André Gouazé, doyen charismatique de Tours pendant 22 ans, n’aurait pas reniée : l’avenir est là !
A lire aussi: Un CHU à Orléans : après la décision, la récupération