L’arrivée du printemps voit s’épanouir nombre de salons du livre, ou invitant à découvrir leurs bonnes feuilles à l’automne. De Saint Ay à Mers sur Indre en passant par Beaugency et Orléans, Lorris ou Lamotte-Beuvron, l’offre se diversifie. Succès d’estime ou réel engouement ? Et pour quel profit ?
Par Jean-Luc Bouland
Sans conteste, diront certains, “le plus grand des salons du livre dans notre région est celui des Rendez-vous de l’Histoire, à Blois“. Un rendez-vous annuel incontournable et haut en couleur, au statut international, mais qui ne doit pas pour autant occulter d’autres salons beaucoup plus modestes. Souvent d’intérêt local ou régional, même s’ils comptent dans leurs listes d’auteurs invités quelques plumes venues d’ailleurs, ceux-ci ont l’indéniable avantage de mettre en lumière des écrivains qui ne peuvent compter uniquement sur la notoriété du web et des réseaux dits sociaux.
“Aucune librairie n’a voulu de mon ouvrage, et aucune bibliothèque ne veut me l’acheter“, témoignait lors du salon de St-Ay, dimanche 6 mars, C”Nabum, bonimenteur et géniteur du très récent “Un bec hors de l’eau“, qui peine à trouver son lectorat, faute de vitrine adéquate. L’initiative de ce “Livres en tête” proposée par l’association Vitalité rurale était donc intéressante, et saluée ainsi par la municipalité de St-Ay, qui l’annonce pérenne. “Notre toute jeune association avait connu un beau succès à Sandillon, en novembre 2021, et il nous semblait intéressant de renouveler l’expérience au printemps, à l’ouest de la métropole orléanaise“, explique Christian Beaudin, co-organisateur de ce salon. “Ce qui est certain, c’est que ces deux rendez-vous sont pris, et qu’il y aura d’autres initiatives de ce genre“, continue-t-il, en annonçant déjà un autre salon en juin, dans le Loir et Cher, consacré aux livres d’histoires, avec aussi comme invité d’honneur Julien Larere-Genevoix. Et les auteurs sont déjà sollicités pour revenir à Sandillon, en novembre prochain.
Des auteurs pour un public inconnu
Le succès de Sandillon n’a pas vraiment été confirmé à St-Ay. S’il y avait plus d’auteurs présents, le public n’était pas autant au rendez-vous, et les stylos n’ont pas coulé à flot pour rédiger de belles et pertinentes dédicaces. Il aurait été hasardeux, toutefois, de tirer des conclusions péremptoires sur ce demi-succès. Trop d’auteurs ? Trop de soleil à l’extérieur ? Pas assez de “tête d’affiche” ? Pas assez d’animation ? Pas de thématique précise ?
Chacun avait sa petite explication, toute relative, partagé à part égale entre le besoin d’avoir, ou pas, des invités d’honneur, mais tout le monde se retrouvait au moins sur deux points importants : “de tels évènements permettent de belles rencontres, avec le public comme avec les autres participants” et, surtout, “ils doivent continuer à exister, car sans eux, les auteurs deviennent invisibles“. Un constat partagé autant par les auteurs auto-édités que par les maisons d’édition locales ayant pignon sur rue, comme celles du Jeu de l’oie, Corsaire ou 7e ciel, qui ne boudent pas ces rendez-vous, voire en redemandent.
Présentes à Sandillon comme à Saint-Ay, Isabelle Thion et Noëlle Mirande avaient aussi une bonne nouvelle à annoncer, concrétisée peu de jour après. “En octobre 2022, il y aura bien la 4e édition de Livre O Coeur, au jardin des plantes, à Orléans, à l’initiative de l’association Arts et littératures au pluriel. C’est la meilleure façon de faire venir les orléanais dans ce genre de manifestation“. Des orléanais qui bouderaient St-Ay et Sandillon car à plus de 15 km de leur capitale chérie ? Voilà une autre raison avancée. Mais qu’importe, cela ne doit pas pour autant décourager d’autres initiatives de ce type.
Ainsi, les 19 et 20 mars prochain, c’est la commune de Lorris (45), qui organise son premier salon du livre, annonçant “une quarantaine d’auteurs venus du Loiret, de Normandie, des Landes, du Ch’Nord“. La semaine suivante, du 25 au 27 mars, Beaugency proposera la 37e édition du “Salon du livre jeunesse Val de Lire“, présente sur 6 communes, alors qu’en Loir et Cher, ce même week-end, les amateurs devront se partager entre Le printemps des livres en Sologne, à Lamotte-Beuvron, proposé par le GRAHS, et les 7e “Délires de lire” de St-Gervais la Forêt, consacrés à la jeunesse et à la nature. Plus tard en saison, dans l’Indre, les amateurs seront conviés du 20 au 22 mai, à Mers sur Indre, puis le 24 juillet à St-Benoit du Sault.
L’essor de ces salons consacrés aux auteurs de tous genres, entre romans, essais, BD et autres fantaisies littéraires, parfois proposés par des enseignants à la retraite, s’explique aisément par une plus grande individualisation des moyens d’écritures. Les maisons d’éditions sont submergées par les manuscrits, ne peuvent pas tout éditer, laissant ainsi la place, à l’auto édition, ou l’édition à compte d’auteur, ce qui multiplie les participants dans les salons dédiés.
“C’est une appréciable démocratisation de la culture“, assurent certains, comparant cette frénésie d’écrire et de publier au développement des associations locales de peintres et de plasticiens “amateurs”, ou à l’implosion des demandes d’adhésions dans les photo-clubs, liées aux avancées technologiques de l’image numérique. On ne peut donc que souhaiter longue vie à ces initiatives, sans s’attarder sur des polémiques discutables de “qualité” des oeuvres proposées, en affirmant simplement qu’il n’y a pas de culture sans création individuelle, et que celle-ci ne peut perdurer sans visibilité.