Le loup en danger de disparition

Le loup a toujours été mal aimé de l’homme, synonyme pour lui de danger. Animal protégé et utile pour la biodiversité, il est pourtant menacé de disparition dans nos contrées par la volonté des chasseurs, des éleveurs et de… l’État.

Par Sophie Deschamps

Le loup menacé en France. Capture photo Elli H. Radingedr, livre La sagesse des loups

Depuis les contes et les comptines de notre enfance, le loup est omniprésent dans notre imaginaire collectif et comme l’animal à craindre par excellence. Une haine qui l’a fait disparaître de nos forêts en 1937. Sa réapparition naturelle en 1992 a ravivé les vieilles querelles entre ses défenseurs et ceux qui veulent à nouveau le supprimer de nos territoires.

Le loup, ennemi juré des éleveurs… 

Comme le montre la soirée d’information organisée à Vineuil dans le Loir-et-Cher le 3 mars 2022, le débat repart de plus belle pour les chasseurs qui accusent le loup « d’avoir un impact lourd sur l’élevage et la faune sauvage », alors que de l’aveu même des chasseurs, un seul loup est recensé à ce jour dans le Loir-et-Cher.

Certes, le loup s’attaque parfois aux brebis isolées parce qu’elles sont des prises faciles. Mais les solutions pour protéger les troupeaux sont connues de longue date des éleveurs : entourer les enclos de barrières électriques et faire garder les bêtes par des patous, ces chiens de berger dressés non pour attaquer mais pour dissuader les éventuels prédateurs.

Ne faut-il pas aussi interroger le mode d’élevage le plus vulnérable aux loups ? À savoir le modèle intensif où de grands troupeaux sont lâchés parfois plusieurs jours dans la montagne sans surveillance des bergers et en présence de quelques patous, trop peu nombreux pour pouvoir protéger toutes les bêtes.

… et des chasseurs 

Quant aux chasseurs leurs motivations sont moins nobles puisqu’ils accusent en fait les loups de marcher sur leurs plates-bandes en tuant le gros gibier qu’ils ne pourront pas tirer à la carabine le week-end. C’est oublier un peu vite que le loup n’ayant pas de supermarché à sa disposition tue pour se nourrir et survivre quand le chasseur tue pour son plaisir définissant lui-même la chasse comme un loisir.

Et c’est le patron des chasseurs Willy Schraen qui l’a dit lui-même sur RMC le 9 novembre 2021 dans l’émission Les Grandes gueules : « Moi mon métier, c’est pas chasseur, j’en ai rien à foutre de réguler. (…) Nous, on prend du plaisir dans l’acte de chasse. Tu crois qu’on va devenir les petites mains de la régulation ? »

Les mêmes chasseurs plaident toutefois pour le “prélèvement”, mot politiquement correct, pour désigner les abattages de loups autorisés chaque année par l’Etat Français. Un abattage toutefois réglementé car le loup reste une espèce protégée.

Toutefois, l’étude de 2016 Predator control should not be a shot in the dark menée par une équipe internationale de chercheurs et publiée dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment indique clairement que l’abattage des loups aggrave le problème de l’attaque des troupeaux au lieu de le diminuer. L’explication est simple : tuer un loup dominant, donc un chef de meute a pour effet de déstructurer le groupe et d’éparpiller les autres loups qui dès lors vont s’attaquer plus facilement à des brebis isolées.

Un constat que le plan loup 2018-2023 reconnaît quoique dans un langage assez abscons : « Sans métrique spatiale et temporelle adaptée, il est difficile de mettre en évidence une tendance générale sur l’évolution des dommages selon le niveau de prélèvement. Cependant, de nombreux témoignages indiquent que les tirs de défense et défense renforcée réduisent de manière temporaire le nombre d’attaques sur le troupeau concerné. »

Une inefficacité constatée année après année en France puisque le nombre de loups autorisés à l’abattage augmente sans faire baisser de façon significative le nombre de bêtes attaquées. Paradoxalement, nos voisins italiens font mieux que nous. Bien que les loups y soient plus nombreux ils font moins de victimes que chez nous. Les bergers apprennent tout simplement à vivre avec cet animal qui n’a jamais disparu du massif des Abruzzes. L’Italie mais aussi l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique ont même totalement renoncé à abattre les loups.

L’exemple du parc de Yellowstone

Il faut également rappeler que  le loup joue un rôle important de régulateur des écosystèmes. Et les exemples ne manquent pas mais le plus emblématique est sans doute celui du parc naturel américain de Yellowstone dans le Wyoming. En effet à l’ouverture de celui-ci en 1937 tous les grands prédateurs sauf les ours ( considérés alors comme trop mignons ! ) ont été éradiqués pour la sécurité du public. Mais quelques décennies plus tard les autorités de l’État on constaté une surpopulation de wapitis (sortes de cerfs) qui empêchaient les arbres de repousser. C’est pourquoi le loup a été réintroduit en 1995 dans ce parc démontrant très vite ses formidables capacités de régulateur de l’écosystème. 

Le recours de One Voice devant le Conseil d’État

La stratégie française indigne les associations de défense des animaux et notamment One Voice qui a déposé un nouveau recours auprès du Conseil d’État demandant l’annulation de deux arrêtés. Une opération médiatisée a eu lieu dans de nombreuses villes dont Tours le 19 mars 2022, afin de sensibiliser la population. L’association dénonce notamment l’arrêté « cadre »  qui supprime le recours préalable obligatoire à l’effarouchement avant les tirs alors que des études ont démontré son efficacité.

D’ailleurs, des associations de protection des animaux ont déjà obtenu par le passé l’annulation d’arrêtés locaux notamment en Isère pour la saison  2016-2017. Elles aimeraient toutefois pouvoir agir en amont et obtenir des résultats avant l’abattage des loups.

Le loup reste donc menacé en France puisque les 19% de “prélèvements” autorisés ne permettent pas actuellement la pérennité de sa population. Ainsi au 23 février 2022, selon les chiffres officiels, cinq loups étaient déjà morts…

À lire pour aller plus loin : La sagesse des loups d’Elli H Radinger.

Et sur Magcentre : Le loup, entre mystère et réalité

Commentaires

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  1. Bravo, Sophie, et merci pour ce bel article qui souligne bien la barbarie doublée d’hypocrisie des chasseurs et notamment de leur président

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