Orléans : Exclusif, Tartuffe avait lu Marx !

Une nouvelle Compagnie théâtrale, la Cie Brouhaha, est née en 2019 à Orléans, et malgré la pandémie, a trouvé son rythme de croisière. Elle a présenté « Tartuff’ries » au Festival OFF d’Avignon en juillet dernier, et, au vu du succès, y retourne cet été. La pièce a été jouée à la MAM d’Orléans la semaine dernière devant un public conquis.

Par Bernard Thinat

Tartuffe, on connaît, du moins sa version classique. La Comédie Française en a fourni récemment une nouvelle mise en scène signée Ivo Van Hove, mais cette fois avec la version d’origine de Molière, interdite par le roi après sa première représentation. Molière ajoutera par la suite deux actes, et surtout la fin qui voit Tartuffe arrêté sur ordre du prince (comprendre Louis XIV).

Photo Cie Brouhaha

Nous voici donc vingt ans plus tard, Tartuffe croupit dans son cachot, enchaîné. Il y a là son geôlier que ne doit pas lui parler. Mais l’imposteur reçoit de la visite : tout d’abord Molière en personne qui vient voir sa créature littéraire, puis le roi Louis XIV, on sait qu’il adorait danser, n’a-t-il pas créé ce qui deviendra l’Opéra National de Paris, Molière à nouveau, et au final, Elmire, la femme d’Orgon, celle que Tartuffe aurait bien voulu conquérir après qu’Orgon lui ait promis sa fille.

Le texte, écrit en tandem par François Manuelian et John Bodin, en alexandrins, est d’une actualité brûlante, comme l’indique le sous-titre de la pièce « Ou comment tartuffe avait prédit le monde actuel ». Poussé dans ses retranchements par Elmire, Tartuffe promet tout afin d’échapper à son cachot, le vote des femmes, l’égalité salariale entre hommes et femmes, l’IVG, on cite Olympe de Gouges, Simone Veil… Le texte, d’une grande inventivité, entremêle les époques, les personnages volent de siècle en siècle, il promet même une société égalitaire nommée « communisme », il a dû lire Marx ! Bon, enfin, il doit bien y avoir des spectateurs que ça heurte, passons !

François Manuelian, derrière ses barreaux, est un imposteur plein d’énergie, grimpant aux barreaux avec souplesse, victime d’étranges crises, sorte d’épilepsie, au prononcé de certaines expressions ; Hugo Zermati incarne tous les autres personnages, comique et ridicule en Louis XIV en interprétant quelques pas de danse, hautain en Molière devant sa créature, et motivé, voire malicieux, en Elmire afin d’obtenir des promesses qu’il ne tiendra pas, on ne le sait que trop. Ici, Tartuffe représente tous ces politiciens, telles des marionnettes, qui d’élections en élections promettent à tous vents, sachant que les promesses n’engagent que ceux qui les croient, selon la formule consacrée. Enfin, à la contrebasse, Thierry Leu accompagne magistralement les deux acteurs dans leurs « Tartuff’ries ». Un vrai régal !

François Manuelian, Directeur artistique de la Cie Brouhaha, est originaire d’Avignon, donc provençal. D’abord musicien, batteur, il a accompagné divers chanteurs dans leurs concerts, et grâce aux liens qu’il a tissés avec des musiciens orléanais originaires d’Afrique, il est venu s’installer dans la cité johannique. Le théâtre l’a alors rattrapé, l’envie de raconter des histoires. Batteur, chanteur, comédien, de formation pluridisciplinaire, ayant côtoyé le milieu du cinéma, cela lui donne différents moyens d’expression artistique.

Il créé en 2014 « Scapin au jardin », réécriture de la pièce de Molière, sorte de farce et de performance avec huit outils de jardin, spectacle joué en Chine dans le cadre d’un festival de marionnettes. La pièce traduite en anglais sous une forme courte de 35 mn est alors partie au Portugal, en Inde… Mais la pandémie est arrivée…

Quant aux « Tartuff’ries », pensées, travaillées depuis 2017 avec John Bodin croisé en Avignon, après un passage en résidence à Etampes, le spectacle a été créé au festival d’Avignon en 2021, et sera à nouveau présent en 2022, mais ambition oblige, dans une salle plus grande.

Tartuff’ries
Texte et mise en scène : François Manuelian et John Bodin
Jeu : François Manuelian, Hugo Zermati et Thierry Leu
Création costumes : Paula Dartigues et Laure Bouju
Création son : Thierry Leu
Scénographie : François Manuelian
Création lumières : Stephane Ratelade
Direction d’acteurs : Manouchka Récoché

Prochaines dates :
Festival OFF Avignon du 7 au 30 juillet 2022
(Espace Roseau Teinturier)

Commentaires

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  1. Serait ce que le théâtre auquel nous assistons autant sur la scène nationale où semble se jouer “En attendant M…” qu’ internationale avec au choix “Le père Ubu” ou “La résistible ascension d’Arturo Rui” n’est qu’une tartufferie pitoyable et cruelle?.

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