Martine Grivot : “Je n’ai jamais ni caché, ni mis en avant mon handicap”

En cette journée internationale des droits des femmes, nous vous proposons une interview de Martine Grivot, adjointe municipale à Orléans de 2001 à 2020. Mais il ne s’agit pas ici de saluer son parcours politique mais son courage et sa détermination malgré sa malvoyance. Un parcours exemplaire qui lui vaut la présence de son portrait dans l’exposition du conseil départemental du Loiret Parcours de combattantes, présentée à Orléans jusqu’au 31 mars 2022.

Propos recueillis par Sophie Deschamps 

Martine Grivot, 73 ans, malvoyante photographiée pour l’exposition Parcours de Combattantes, au conseil départemental du Loiret. Capture photo catalogue

Si vous vous rendez à cette exposition, certain.es d’entre vous ne manqueront pas d’être surpris.es de découvrir la belle photo de Martine Grivot, adjointe municipale d’Orléans de 2001 à 2020, et en charge de la Mission Loire depuis deux ans. 

En effet, Martine Grivot est malvoyante mais il est impossible de le deviner tellement elle s’efforce d’avoir un comportement “normal”. Pourtant son handicap existe bel et bien. Elle a bien voulu raconter son histoire à Magcentre.

Vous êtes malvoyante mais quelle est la nature exacte de votre handicap ?

Martine Grivot : À 22 ans, je ne voyais plus de l’œil droit. L’ophtalmologiste que j’ai vu à Orléans ce moment-là m’a dit qu’il n’y avait rien à faire. Il a alors fait mettre des verres incassables à mes lunettes pour protéger mes yeux. Deux ans plus tard, à 24 ans j’étais totalement aveugle de l’œil droit et mon œil gauche commençait lui aussi à se dégrader. Je suis donc allée voir un spécialiste à Paris qui a décelé une maladie génétique, la maladie de Wagner qui touche très peu de personnes. Heureusement, il a pu stopper la maladie de l’œil gauche mais il était déjà descendu à deux dixièmes. Donc je tombais souvent dans la rue. Je me suis d’ailleurs cassée beaucoup de choses.

Vous n’en parlez quasiment jamais, pourquoi ?

M.G : Oui je n’en parlais pas c’est vrai sauf lorsque c’était nécessaire. Par exemple quand on m’a sollicitée pour faire partie de l’équipe municipale en 2001 de Serge Grouard, je n’ai pas dit oui tout de suite. Je lui ai alors expliqué que si nous étions élus et qu’il me confiait une délégation il me faudrait un chauffeur pour mes déplacements car bien sûr il m’est interdit de conduire. Il m’a alors répondu qu’il n’y aurait pas de souci. C’est donc ainsi que dans tous mes déplacements qui sont nombreux dans le sport puisque l’on va d’un gymnase à un stade et d’un stade à une salle, j’avais un chauffeur à ma disposition.

Ça pouvait être mal interprété, comme un caprice d’élue ?

M.G : Oui bien sûr ! Alors quand on me disait « Madame a un chauffeur ! », je répondais oui madame a un chauffeur parce que madame n’a pas le droit de conduire, elle est aveugle de l’œil droit et elle ne voit pas grand chose à gauche. Autre anecdote, j’ai bien sûr une carte d’adulte handicapée. Un jour que mon chauffeur se garait sur une place de stationnement réservée aux personnes handicapées, un journaliste, que je connais très bien et qui passait par là, m’interpelle : « Des élues qui se permettent de prendre des places handicapés, ce n’est pas très cool ! » Du coup, je lui ai envoyé la photocopie de ma carte d’invalidité et de stationnement. Il est alors tombé des nues, avouant  « Je ne l’aurais jamais imaginé ! »

Donc, j’ai toujours essayé de vivre comme tout le monde mais quand il faut le dire, je le dis. Parce que quand il y a de l’obscurité ou des marches, je prends spontanément le bras de mon voisin même si je ne le connais pas. Du coup je dis « excusez-moi mais je ne vois pas clair donc je préfère vous tenir le bras plutôt que de tomber. » Et automatiquement cette personne répond « avec plaisir » et l’on m’aide. 

J’imagine que vous étiez sensible à ces questions de handicap à la mairie et que de temps en temps vous tiriez la manche du maire pour qu’il agisse ?

M.G. : Oui je l’ai sollicité pour les aménagements autour des lignes de tram. Je n’ai pas arrêté de l’interpeller à propos des petites marches présentes partout en centre-ville place de Gaulle et devant la mairie notamment parce que la réflexion arrivait trop tard. Maintenant je pense qu’ils en tiennent un peu mieux compte mais j’ai n’ai cessé de dire attention aux non-voyants. Sur le handicap il y aura toujours des améliorations à apporter pour faciliter la vie des personnes au quotidien. 

Vous avez hésité à accepter de participer à cette exposition, pourquoi ?

M.G : Oui, mon premier réflexe a été de dire non parce que j’avais été élue et je pensais que j’allais prendre la place d’une femme plus anonyme. J’ai alors appris que mon nom avait été suggéré et c’est comme cela que je me retrouve là, et j’en suis très contente, honorée même. C’est vrai que cela m’a flattée mais ça m’a touchée aussi parce que même si je ne suis plus élue on va découvrir que je l’ai été pendant vingt ans avec un handicap.

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