« Showgirl », mercredi soir au théâtre d’Orléans, dans le cadre des Performances proposées par la Scène nationale, est un spectacle total, réunissant musique, chorégraphie, théâtre et chant, dans le cadre d’un hommage au film éponyme de Paul Verhoeven, et plus largement au cinéma mondial.
Par Bernard Thinat
Le film « Showgirls »
Sorti en 1995, il fut un échec complet duquel ne se releva pas l’actrice principale, Elizabeth Berkley, jeune danseuse de 22 ans que Verhoeven avait choisie lors du casting. Le film parle d’une jeune femme venue à Las Vegas pour danser. Elle débutera dans des cabarets lors de strip-teases, pour finir tout en haut de la plus célèbre revue du plus célèbre palace. La chute sera brutale ! Le film met en scène un monde peuplé de gens sans aucune morale, sauf celle du fric et du sexe, où tout est bon pour prendre la place de l’autre, pour baiser, où les viols n’intéressent pas la police. Peut-être est-ce cela que les américains ne voulaient pas voir, les critiques ayant incendié l’œuvre du cinéaste néerlandais. Curieusement, le film ressorti dans les années 2000 en DVD fut un total succès. Mystère !
En fait, tout est parodique dans ce film, jusqu’à l’interprétation du rôle d’une jeune danseuse par Elizabeth Berkley, laquelle d’après Marlène Saldana, aurait reçu le conseil de Verhoeven de jouer comme « Ivan le Terrible » dans le film de Sergueï Eisenstein.
Photo BT
La performance de Marlène Saldana
Marlène Saldana, performeuse, danseuse, chanteuse, avec son compère Jonathan Drillet qu’on a pu voir sur la scène du théâtre d’Orléans dans « Rémi » ou « la Trilogie des contes immoraux », ont jeté leur dévolu sur le film de Verhoeven afin de rendre hommage à cette œuvre cinématographique de laquelle on parle de film maudit. Sur le plateau, une sorte d’entrée de grotte qu’on peut retourner donnant à voir un volcan, telle Elizabeth Berkley sur scène. Saldana chante, danse, nous parle, son discours regorge de références au film de Verhoeven, n’hésitant pas comme Berkley à quitter ses oripeaux (enfin pas tous, un peu moins que son idole). Drillet arrive, poussant un escalier, objet incontournable dans le film. Puis les deux débattrons de cinéma, citant Eiseinstein, Woody Allen, Bertolucci et la scène de viol dont Maria Schneider fut victime dans « le dernier Tango à Paris », à ne pas confondre avec Romy, ceci pour rappeler les circonstances de la mort de son fils. L’actualité offre d’évoquer l’Ukraine et son invasion par l’armée russe. Saldana tire au final un cri d’alarme, « on va tous cramer », faisant référence au dérèglement climatique, ou à la guerre nucléaire, on ne sait pas trop.
Berkley et Saldana, un couple aux physiques dissemblables, mais tellement indissociable à travers le temps, les arts du spectacle, la complicité de l’une vers l’autre.
Rebecca Warrior (Julia Lanoë) a composé la musique de « Showgirl », musique électro qui convient fort bien à l’ensemble du spectacle, sur laquelle Saldana chante parfois telle une conteuse.
Cependant, une question me taraude : comment ont pu ressentir la performance de Marlène Saldana, celles et ceux qui ne connaissaient pas le film, et je suppose qu’ils furent les plus nombreux ? Sans doute, le spectacle pouvait se voir autrement, sans références au film de Verhoeven. Il en est ainsi de toute œuvre qui s’appuie sur un film, un roman, la littérature… Mais il est incontestable qu’avoir visionné le film auparavant permettait d’entrer par la grande porte dans « Showgirl ».
Spectacle de Marlène Saldana, Jonathan Drillet Librement adapté du film Showgirls de Paul Verhoeven (1995) Texte, interprétation Marlène Saldana, Jonathan Drillet Création musicale Rebeka Warrior Mix Krikor Décor Sophie Perez Sculpture Daniel Mestanza Costumes, maquillage, perruques Jean-Biche Lumières Fabrice Ollivier Son Guillaume Olmeta Conseil chorégraphique Mai Ishiwata Assistanat Robin Causse
Mercredi 2 mars 2022 Scène nationale d’Orléans
|