Rencontre avec Tamari Tchabukaidze, comédienne et metteuse en scène, qui propose au théâtre Clin d’œil un seule en scène intitulé « Médée Matériau » d’après un texte brut d’Heiner Müller, dramaturge est-allemand, plus connu avec la pièce « Hamlet Machine ».
Propos recueillis par Bernard Thinat
Tamari Tchabukaidze
MagCentre : Qu’est-ce qui vous a incitée à mettre en scène cette œuvre tirée de la mythologie grecque, dont le mythe de Médée a inspiré Sénèque, Euripide, et plus tard Corneille et Jean Anouilh ?
TT : Médée a ses racines en Colchide, aujourd’hui la Géorgie, et je suis géorgienne. C’est une histoire qui a toujours existé autour de moi depuis mon enfance. J’ai toujours été impressionnée par la fascination qu’exercent ces personnages dans un pays aussi patriarcal que la Géorgie. Normalement, une femme qui va écrire sa propre destinée, qui va trahir son pays, qui va suivre son amant, ce n’est pas un modèle de femme. Il y a une facette politique qui évoque l’occupation, sujet qui me parle énormément. J’ai une trentaine d’années, j’ai connu la guerre, ma famille a quitté sa maison pour se réfugier dans la capitale. Ensuite, je suis une émigrée, je suis venue en France de mon plein gré, j’aime ce pays, mais je suis néanmoins une étrangère. J’étais aussi danseuse classique et le premier spectacle que j’ai vu était sur Médée et depuis l’enfance, je rêve de ce personnage.
MagCentre : Que pouvez-vous dire du texte ?
TT : L’auteur est Heiner Müller qui a écrit ce texte durant douze années. Il a d’abord écrit « Rivage à l’abandon » où il parle de déchéance humaine ; ensuite, le volet central, « Médée Matériau », sorte de monologue et de concentré de l’histoire de Médée, en supprimant tout ce qui n’est pas essentiel et en ne laissant que le squelette. Pas de ponctuation, juste des majuscules. Ce qui permet de s’approprier le texte tel qu’on en a envie, ce qui me plaît car étant étrangère, je possède une autre musicalité. C’est une poésie très brutale, en trois dimensions. Chez les autres auteurs, les crimes se passent ailleurs, on va raconter les crimes. Chez Heiner Müller, les meurtres ont lieu sur scène face au public, on est témoin de son parcours, de son évolution… Est-il possible de comprendre Médée, non la justifier ? Enfin, dernier volet, « Paysage avec Argonautes » écrit plus tard.
Tamari Tchabukaidze “Médée Matériau”
MagCentre : Heiner Müller s’est inspiré des dramaturges grecs ?
TT : Je pense qu’il a puisé dans tous les textes. Il se nourrit de tout. Dans ses interviews, il dit qu’il a gardé l’essentiel, qu’il a assemblé, et à chacun d’en faire ce qu’il veut, plus rien ne le concerne.
MagCentre : Vous êtes seule sur scène ?
TT : Oui, il s’agit d’un « seule en scène » avec trois personnages, Médée, Jason et la nourrice des enfants.
“Médée Matériau”
Vendredi 4 mars 2022 à 20h30
Théâtre Clin d’œil 12 Rue de la République, 45800 Saint-Jean-de-Braye
Téléphone : 02 38 21 93 23
Compagnie l’Ile est Née
Mise en scène : Tamari Tchabukaidze
avec la participation d’Aurélie Audax
Direction d’actrice : Aurélie Audax
Jeu : Tamari Tchabukaidze
Voix off : Mathieu Jouanneau
Création musicale : Florent Gauvrit
Régie technique : Nicolas Legris