Le Premier ministre l’a décidé : le Centre Hospitalier régional d’Orléans (CHRO) va gagner dans les prochains mois son U pour devenir le deuxième hôpital universitaire de la région Centre-Val de Loire. C’est à la suite d’une délégation de quinze élus de la région et du Ceser, reçue le 22 mars 2022 par Jean Castex, que ce choix politique a été prononcé. Historique de ce trop long et incertain chemin.
Par Jean-Paul Briand
Durant l’année 2000, deux médecins généralistes du Loiret décident de faire la tournée des popotes des élus afin de les alerter sur la grave pénurie médicale qui s’annonce et sur la nécessité que le centre hospitalier d’Orléans (CHRO) devienne un authentique lieu de formation médicale. Lorsque ces deux pèlerins étaient reçus, c’était souvent avec une condescendance amusée ou un étonnement incrédule que leurs propos étaient entendus. Seuls Claude Bourdin, alors conseiller général du Loiret, et Jean Pierre Sueur, maire d’Orléans, semblèrent convaincus par l’idée d’un centre hospitalier universitaire (CHU) à Orléans. Le maire de Tours, Jean Germain, très logiquement y était fortement opposé.
Des ersatz inefficaces sont bricolés
Le projet d’un CHU orléanais devient un serpent de mer et la désertification médicale s’installe comme prévue dans cinq des six départements de la région Centre-Val de Loire. L’Indre-et-Loire, grâce à son CHU, est épargnée. Le Conseil régional ne voulait pas pas étudier la possibilité d’un deuxième pôle de formation médicale en région. Il ne fallait pas froisser les amis tourangeaux dont le maire de Tours, Jean Germain , déshabiller l’université de Tours et entrer en concurrence avec son CHU. Des ersatz inefficaces sont bricolés et la guerre démagogique contre la liberté d’installation des toubibs est déclarée.
L’idée d’un deuxième CHU gagne du terrain dans les esprits
Si le maire Olivier Carré, avec sa conseillère Stéphanie Rist, n’étaient initialement pas favorables à un hôpital universitaire orléanais, Serge Grouard prend la relève de Jean-Pierre Sueur dans la croisade d’un deuxième CHU régional installé à Orléans. Dans la société civile des voix se font progressivement entendre. Philippe Rabier avec son collectif CitLab lance une pétition. Sacrilège, le Ceser dont le vice-président, Pierre Allorant*, est la cheville ouvrière pour que le CHRO devienne universitaire, agace quand il ose suggérer qu’il est « nécessaire que les deux métropoles de la région disposent d’un centre hospitalier universitaire, Orléans demeurant la seule capitale régionale à ne pas en être dotée ».
Une nouvelle pétition réclamant 200 étudiants supplémentaires en médecine pour la région Centre-Val de Loire, dès la rentrée 2022-2023, réunit plusieurs milliers de signatures. A mesure que la désertification s’aggrave, les protestations s’intensifient et l’idée d’un deuxième CHU gagne du terrain dans les esprits.
Le dossier préparé par le Ceser est présenté au Premier ministre
Devant la dégradation de la situation sanitaire et les protestations renouvelées de la population, le 14 janvier 2022 de nombreux élus de la région Centre-Val de Loire co-signent une lettre où l’on peut enfin lire : « C’est l’implantation de la formation sur 2 sites en région, Tours et Orléans, avec la création d’une faculté régionale bi-site et l’universitarisation du CHRO qu’il faut décider ». Dans le même temps le maire d’Orléans, Serge Grouard, jette un pavé dans la mare en annonçant qu’il a signé le 21 janvier 2022 un protocole d’accord entre sa ville et la faculté de médecine de Zagreb, afin de former tous les ans une cinquantaine de médecins.
Son initiative entraîne des protestations véhémentes, en particulier au niveau des universitaires mais son coup de pied dans la fourmilière recueille de nombreux appuis. Le 22 février 2022, quinze élus de tous bords politiques vont alors défendre collectivement auprès du Premier ministre, le dossier préparé par le Ceser.
Nombreux sont ceux qui essayent de récupérer le bénéfice de cette décision historique
C’est très probablement cette unanimité transpartisane, l’initiative croate du maire LR d’Orléans et l’approche des élections qui ont convaincu le Premier ministre de trancher pour que le CHRO devienne un site universitaire à part entière. Le chemin a été long. Trop long. Deux élus, Jean Pierre Sueur et Serge Grouard, avec l’appui du Ceser, ont invariablement œuvré pour un CHU à Orléans. Aujourd’hui, après avoir adhéré tardivement voire s’être opposé, nombreux sont ceux qui essayent de récupérer le bénéfice de cette décision historique.
* Pierre Allorant est également collaborateur et administrateur à Magcentre
Délégation reçue par le Premier ministre le 22 février 2022
Francois Bonneau, président (PS) de Région ; Éric Chevée, président du Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) ; Nicolas Forissier, député (LR) de l’Indre ; Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret ; Christophe Le Dorven, président (LR) du conseil départemental d’Eure-et-Loir ; Serge Grouard, président (LR) d’Orléans Métropole ; Gil Averous, maire (LR) de Châteauroux ; Marc Fesneau, ministre et conseiller régional (MoDem) ; Stéphanie Rist, députée (LREM) du Loiret ; Philippe Vigier, député (MoDem) d’Eure-et-Loir ; François Jolivet, député (LREM) de l’Indre ; Philippe Chalumeau, député (LREM) d’Indre-et-Loire ; François Cormier-Bouligeon, député (LREM) du Cher ; Jacques Fleury, président (LR) du conseil départemental du Cher ; Marc Fleuret, président (UDI) du conseil départemental de l’Indre ; Yann Galut (divers gauche), maire de Bourges.