La désertification médicale fait couler énormément d’encre, occupe beaucoup d’énergie et consomme abondamment de salive. Elle est à l’origine d’initiatives qui font parfois polémique comme celle du maire d’Orléans. A Tours, où la présence d’un hôpital universitaire protège la ville de la pénurie de médecins, c’est la faculté de droit qui s’est emparée du problème en organisant un colloque cherchant à explorer les causes de la désaffection pour l’exercice libéral.
Par Jean-Paul Briand
L’atlas démographique édité par l’Ordre national des médecins montre que le nombre de détenteurs de thèse en médecine augmente très légèrement chaque année. Néanmoins, au 1er janvier 2021, le nombre de médecins libéraux a diminué. Il est devenu inférieur au nombre de médecins salariés. Pire encore pour la médecine de proximité, assurée par les généralistes, leur nombre chute inexorablement. D’après le responsable de l’Agence régionale de la santé (ARS) de la région Centre-Val de Loire venu au colloque, cette chute devrait continuer jusqu’en 2026 pour commencer à remonter lentement à partir de 2031. La fin des déserts médicaux est prévue pour 2050.
La médecine générale est malade
Un des premiers intervenants, maître François Gaborit, avocat au barreau de Paris, a rappelé que si l’hôpital est en souffrance c’était dû, en partie, parce que la médecine libérale et plus particulièrement la médecine générale, plaque tournante du système de soin français, est malade. Plus de 20% des patients se présentant aux urgences hospitalières relèvent de la médecine ambulatoire. Cette anomalie congestionne l’hôpital et gonfle les coûts de la santé. Quelle est la cause de l’absence de généralistes dans certaines zones ? Cette pénurie de généralistes est-elle l’origine de l’inégalité des territoires pour l’accès aux soins ou est-ce notre système de santé à bout de souffle qui est la cause des désert médicaux ? Les deux mon capitaine.
Supprimer la liberté d’installation et la désertification disparaît
C’est l’article 162-2 du Code de la Sécurité Sociale qui définit la médecine libérale : Le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade et la liberté d’installation du médecin. Pour certains, il leur semble que cette archaïque liberté d’installation est la cause principale des déserts médicaux sur certains territoires et en particulier en région Centre-Val de Loire. D’après eux, supprimer la liberté d’installation et la désertification disparaît. C’est oublier un peu vite que la liberté d’entreprendre est un principe général ayant une valeur constitutionnelle et que le nombre de généralistes est dans tous les cas insuffisant. Un autre élément est à prendre en compte : Les deux tiers des médecins généralistes en projet d’installation sont des femmes. Elles souhaitent ne pas exercer seule et préfèrent un poly exercice associant activité salariée et activité libérale. Elles s’installent souvent là où leur conjoint peut trouver du travail, où il existe des crèches et un cadre de vie acceptable. Peut-on obliger des jeunes femmes à régénérer des territoires que l’État a abandonnés ?
Un dossier prioritaire pour les prochaines élections
Quelles sont alors les solutions envisageables ? Il n’y aura pas de solution unique et miraculeuse. La formation de plus de médecins est une nécessité mais ne donne des résultats que 10 ans plus tard. Les mesures gouvernementales incitatives marchent mais que très partiellement. Les aides territoriales ne sont pas concluantes et entraînent trop souvent des surenchères déloyales entre collectivités ou de la part de médecins profitant indécemment d’un marché qui leur est favorable. Différents leviers doivent être explorés : formations délocalisées, infirmier(e) en pratique avancée, tarifications différentielles selon les territoires, salariat, infirmier(e) Azalée, télé-médecine, etc. Les politiques qui connaissent réellement le sujet, ne pratiquent pas la démagogie, ils avancent prudemment sur ce dossier sensible. Un dossier qui devrait être prioritaire pour les prochaines élections.