Avant de prendre ses fonction à Orléans en février 2021, la préfète Régine Engström avait fait un bref passage de deux ans au sein du groupe immobilier Nexity, un aller et retour dans le privé qui lui vaut aujourd’hui une suspicion de conflit d’intérêt pointée par Mediapart dans une affaire concernant un projet immobilier sur le site de la caserne Gudin à Montargis que les défenseurs du patrimoine veulent préserver.
Par Gérard Poitou
Régine Engström. Photo Elodie Cerqueira
La caserne Gudin est un bâtiment du XIXe siècle que l’agglomération montargoise a acquis en 2019 auprès de l’état pour la somme de 750.000€ avant de le céder quelque mois plus tard au promoteur Nexity pour l’euro symbolique. Le président de l’agglo de l’époque, Franck Supplisson affirmait alors avoir toutes les garanties du promoteur pour le respect du patrimoine dans son projet de réhabilitation en appartements soumis à un concours d’architectes. Aujourd’hui, le projet de Nexity prévoit finalement la destruction d’une partie de l’édifice, ce que contestent les défenseurs de ce patrimoine, Stéphane Bern en tête, réclamant le classement du bâtiment auprès des services de l’Etat. Evidemment Stéphane Bern s’était publiquement interrogé en octobre dernier au micro de France Bleu Orléans, sur le lien éventuel de la Préfète avec son ancien employeur qui s’était empressée de le rassurer en affirmant qu’elle s’était “déporté de ce dossier”.
Pourtant, c’est ce que révèle Médiapart aujourd’hui, les éléments réunis par le journal en ligne prouvent l’implication directe de Régine Engström dans le dossier. Le 4 octobre 2021, la préfète a ainsi personnellement décidé d’écrire à des membres du cabinet de la ministre de la culture Roselyne Bachelot pour contester les arguments des opposants à la destruction de la caserne, selon une copie du courriel consulté par Médiapart, dans lequel la préfète met clairement en avant les arguments d’élus locaux, alliés de Nexity, contre les opposants au projet.
Les services de la préfecture relativise cette intervention en arguant que ce mail faisait partie de « remontées d’information des services de l’État vers les cabinets ministériels ». « Expliquer un contexte local est une obligation et ne peut être assimilé à une prise de position ». Pourtant trois mois avant l’envoi de ce message, la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA), instance experte indépendante placée auprès de la préfète de région, avait clairement sollicité, le 29 juin 2021, la protection de la caserne Gudin, au grand dam des porteurs du projet immobilier.
Aujourd’hui, l’instance de classement prise dans l’urgence en juillet 2021 protège le bâtiment pour une durée d’un an non renouvelable si le classement définitif décidé par le ministère de la Culture n’intervient pas d’ici là . En attendant, le député du Loiret Jean Pierre Door (et ancien maire de Montargis), virulent opposant à ce classement s’en est ouvert à Roselyne Bachelot en octobre dernier et menace aujourd’hui d’attaquer l’Etat si le projet Nexity était finalement bloqué. Il reste de fait que quelques semaines pour le ministère pour rendre sa décision avant les échéances électorales…
https://www.mediapart.fr/journal/france/310122/l-incroyable-conflit-d-interets-de-la-prefete-de-la-region-centre?