Nos âmes d’enfants : la parole est aux adultes

Mike Mills, dans une veine psychologisante, a construit un film sur l’attitude des parents et les discours qui veulent aider leur progéniture à s’exprimer. Il a le mérite de démonter certaines pratiques de beaucoup d’Américains pour en voir les rouages. Dans une esthétique noir et blanc somptueuse, ce film un peu long et bavard aurait gagné à sortir du convenu pour aller plus loin dans l’analyse.

Par Bernard Cassat

Joaquim Phoenix et Woody Norman

Le titre français du film de Mike Mills, Nos âmes d’enfants, est un peu trop niais pour rendre compte du contenu. Le titre anglais est beaucoup plus énergique et plus proche de l’intention du réalisateur. C’mon C’mon, tiré de la séquence dans les bois où Johnny (Joaquim Phoenix) pousse son neveu Jesse (Woody Norman) à hurler son stress, est le reflet du propos développé tout au long, cette observation de l’attitude parentale, en tous cas des adultes, face aux enfants.

Johnny pourtant n’était pas le mieux placé pour endosser ces discours, puisqu’il n’a lui même pas d’enfant. Son métier, bien sûr, le fait cotoyer la jeunesse : pour une radio, il parcourt les Etats Unis et interviewe des jeunes sur leurs opinions, leurs espoirs, leurs détresses et leurs craintes. Une bonne partie du film balance ces interviews sympathiques mais tout de même un peu trop superficielles pour constituer un axe de réflexion solide. Mike Mills apparemment y tient au point de continuer, pendant tout le générique de fin, à nous les faire entendre.

Mais Johnny a la charge temporaire de son neveu, pour des raisons familiales complexes de santé mentale du père, son beau frère donc. L’adorable Jesse. Il est mignon, une bouille ronde et des yeux malicieux, il est manifestement intelligent, s’intéressant à tout ce qui l’entoure. Il réfléchit et réagit avec vigueur, comprend beaucoup et a plus d’un tour dans son sac. Prototype des enfants modernes très évolués, très matures, que la vie de leurs proches adultes, pourtant aimants, ne facilite pas toujours. Les deux jours de baby-sitting prévus à Los Angeles vont se transformer en semaines. Et Johnny est obligé de l’emmener avec lui à New York pour travailler, puis à New Orleans.

Un garçon lumineux

Tout mature qu’il soit, Jesse renferme aussi en lui des zones d’ombres, des réactions enfantines, (donc de son âge) qui effraient les adultes. Qu’il soit accro au Requiem de Mozart a sans doute sa source dans la relation avec son père. Donc rien de trop sombre. La mort rôde, pourtant, visite du cimetière de la Nouvelle Orléans oblige. Mais elle est tenue à distance. Sa manie d’inventer un enfant, son double, pensionnaire d’un orphelinat, est un peu plus névrotique. Mais là encore, rien de bien méchant. Il vit cette fiction avec suffisamment de distance pour ne pas tomber dans le maladif. L’oncle va avoir du mal à accepter ces imaginations. Pourtant, dans une scène initiale importante auprès de sa mère sénile, il joue le jeu qu’elle lui impose. Alors que sa sœur, la mère de Jesse, ne supporte pas cette attitude complaisante. Le parallèle entre ces deux situations est intéressant.

A la Nouvelle Orleans, l’oncle et le neveu

Somptueusement filmé en noir et blanc, les trop rapides images de villes américaines (Detroit, Los Angeles, New York, New Orleans) composent un cadre magnifique pour analyser cette parole que les américains de la classe moyenne/supérieure développe auprès de leurs enfants, psychologisant tout et anticipant les stress, et paradoxalement parfois les renforçant. Importance de la parole, comme dans la cure psy : il faut tout dire tout le temps, son bonheur et surtout son malheur. Et lorsqu’on se quitte, on se dit « je t’aime ».

Joaquim Phoenix, enrobé dans sa maturité, devient un magnifique représentant de ces parents très proches de leurs enfants. Ce rôle d’oncle gâteau lui va comme un gant. Quant à Woody Norman, il crève l’écran. Tout deux portent ce film très – trop – bavard mais attachant grâce à leur prestation.

Nos âmes d’enfant

Scénario, réalisation : Mike Mills

Interprètes : Joaquim Phoenix, Woody Norman, Gaby Hoffmann

Photos : Metropolitan FilmExport

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