« Viviane », entre cinéma et théâtre

La Halle aux Grains de Blois (41) devait accueillir la pièce en mars 2020 mais la pandémie en a décidé autrement. Il aura fallu attendre les 6 et 7 janvier 2022 pour que la réalisatrice Mélanie Leray puisse faire découvrir son adaptation originale du roman de Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville, sorti en 2012 aux Editions de Minuit. La comédienne Marie Denardaud crève la scène et l’écran avec pour partenaires une cadreuse et du son.

Par Elodie Cerqueira

Viviane, une pièce qui mêle théâtre et cinéma. Photo Younn Durand

Début 2020, Viviane était prête, elle devait passer par la Halle aux grains de Blois en mars. Adapté du roman de Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville (Editions de Minuit, 2012), le spectacle théâtral et cinématographique à dû ranger son décor, une sombre histoire de confinement est venue contrarier la tournée. Mélanie Leray, la réalisatrice, fondatrice de la Compagnie 2052, a pu maintenir quelques dates éparses en 2020 et 2021, notamment à la Maison de la culture de Bourges. Mais en ce début d’année 2022, la Scène nationale blésoise a pris sa revanche et a accueilli la troupe et son public les 6 et 7 janvier derniers.

La scène ? Une pièce aux murs blancs, épurée. Une petite table carrée, deux chaises et un lit spartiate, dans lequel est recroquevillée une femme. On ne sait pas si elle est dans une chambre d’hôpital ou une cellule de prison, on ne le découvrira qu’à la fin. Un écran de cinéma surmonte le plateau. Le film démarre, en noir et blanc. Sans parole mais en musique. Après quelques minutes, la femme se lève du lit et récite les premières phrases du livre. Il s’agit donc de Viviane, interprétée par la comédienne Marie Denardaud. Elle a 42 ans, est cadre dans la communication. Elle est mère d’une enfant de 12 semaines et fraîchement séparée de son mari infidèle. Elle dit avoir tué son psychanalyste…

Marie Denardaud est seule sur scène, avec la présence discrète d’une cadreuse, qui la filme en direct. Mélanie Leray explique que « Marie ne voit jamais l’image. Le son est son partenaire. Elle joue avec la voix des acteurs mais tous ses repères, même pour le cadre, c’est le son ». Et pour le montage sonore et musical, la réalisatrice a notamment fait appel à son frère Jérémy Leray. Ainsi, le spectateur assiste à un dispositif original ou la dimension scénique s’ajoute au film tourné en amont et projeté à l’écran, entremêlé de scènes filmées en direct. Une prouesse technique qui fonctionne et transporte le spectateur dans l’univers sombre du polar.

Mélanie Leray, réalisatrice et fondatrice de la Compagnie 2052. Photo Elodie Cerqueira

Un parti pris par Mélanie Leray qui, au départ, souhaitait faire une adaptation purement cinématographique mais s’est ravisée pour proposer un spectacle vivant. Un an après la sortie du roman de Julia Deck, en 2013, Mélanie Leray découvre une histoire qui l’intéresse vivement. Elle est particulièrement touchée par la façon dont l’autrice « questionne la place de la femme, de la maternité, du travail, de la folie… tout ça sous forme de polar ». Elle s’attendait à rapidement voir une adaptation cinématographique mais les années passent et rien ne sort. Qu’à cela ne tienne, elle s’y collera. « Je me suis un peu lancée dans l’idée d’un scénario et d’un film (…) et très vite je me suis dit que ça allait prendre des années, j’ai donc décider de le faire au théâtre », explique la réalisatrice. Elle s’est inspirée du réalisateur Alain Resnais « pour tout adapter sous forme de flashback » car ici, « l’endroit du théâtre est l’endroit du présent, du réel ».

Pour sa part, Marie Denardaud donne tout sur scène pour incarner Viviane. Un personnage qui la touche « particulièrement » par « ses frontières émotionnelles », qu’on a tous et qui peuvent nous faire basculer, explique la comédienne. Et d’ajouter : « Je suis bouleversée par cette femme qui essaie de comprendre ce qui lui est arrivé, qui essaie de ramasser ses débris, de se réunir, alors qu’elle s’est dispersée, presque dissoute, avec toutes les injonctions et les chaos émotionnels qu’elle a subis. »

A gauche, la comédienne Marie Denardaud, à droite, la réalisatrice Mélanie Leray, à l’issue de la représentation du 6 janvier 2022 à la Halle aux grains de Blois. Photo Elodie Cerqueira

Pour ces deux représentations blésoises, Mélanie Leray a dû prendre la caméra pour remplacer au pied levé la cadreuse qui était malade. Et on apprend à l’issue du spectacle qu’il s’agit là d’une prouesse « puisqu’en 24 heures, elle a appris à se servir de cette caméra qui est extrêmement lourde. Elle a appris à faire le point, pas toujours peut-être… », s’amuse Marie Denardaud.

Cette adaptation est le deuxième opus d’une trilogie de portraits de femmes débutée en 2019 par la pièce Girls and Boys, qui a obtenu Le Molière “Seule en scène”. La dernière œuvre est en cours de création… En attendant, la tournée 2022 de Viviane se poursuit du 30 mars au 9 avril au théâtre Le Montfort à Paris.

Lire aussi : “Quand je finis un livre, c’est aussi une période de ma vie qui se termine”, Julia Deck

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