Décédé le 18 décembre le philosophe, écrivain, militant et chantre de la non-violence sera enterré ce lundi. Connu et célébré dans le monde entier, l’Orléanais de Chanteau a inspiré de nombreux jeunes dans les années 70.
Par Jean-Jacques Talpin
C’est ce lundi à 14h30 en l’église Saint-André de Fleury-les-Aubrais qu’un dernier hommage sera rendu à Jean Marie Muller décédé à l’âge de 82 ans. Originaire de Vesoul, d’abord professeur de philosophie, il voua sa vie à définir et à conceptualiser la non-violence dont il faisait une philosophie de vie mais aussi une arme politique. Connu dans le monde entier, ce résident de Chanteau au nord d’Orléans était tombé depuis quelques années dans la discrétion et un certain anonymat. Il symbolisait pourtant à lui seul une partie de l’histoire d’Orléans en étant le porte-drapeau d’une jeunesse pacifiste qui refusait le militarisme. En 1969 alors qu’il était officier de réserve il demandait un statut d’objecteur de conscience que le ministère de la Défense lui avait refusé. Après avoir renvoyé son livret militaire avec deux amis prêtres, Jean Desbois aujourd’hui installé dans le Sud et Jean-Pierre Perrin-Martin (décédé il y a juste un an) il était traduit en justice et condamné à trois mois de prison avec sursis. C’est à cette occasion que l’évêque d’Orléans, Guy-Marie Riobé était venu témoigner à la barre du tribunal en faveur des trois prévenus donnant ainsi un écho international à ce procès.
Écrivain et penseur reconnu dans le monde entier
C’est à cette occasion qu’il entama son travail de recherche pour conceptualiser la non-violence et la désobéissance civile. Penseur, il aura écrit 36 ouvrages dont le dernier «La violence juste n’existe pas. Oser la non-violence » est paru en 2017. Certains de ses ouvrages sont devenus des références en étant traduits dans de nombreuses longues comme « Stratégie de l’action non violente » (1971), « le défi de la non-violence » (1976), « comprendre la non-violence » (1995) Inspiré par le « christianisme comme philosophie de paix » il aura aussi beaucoup écrit sur les rapports entre religions, guerre et paix et sur quelques figures incontournables « Guy Riobé et Jacques Gaillot, portraits croisés » (1996), « les moines de Tibhirine » ( 1998), « Charles de Foucault » (2002), « le christianisme face au défi nucléaire » (2011), « désarmer les dieux. Le christianisme et l’islam, au regard de l’exigence de non-violence » (2010). Il aura aussi multiplié les écrits sur Gandhi et ce titre reçoit en 2013 le prix international de la fondation indienne Jamnalal Bajaj « pour la promotion des valeurs gandhiennes », un prix considéré comme le « Nobel indien ».
Un militant actif
Philosophe, penseur. Jean Marie Muller aura aussi été un militant actif. En 1973 il participe avec le général de Bollardière, le prêtre Jean Toulat et l’ancien écologiste Brice Lalonde à une expédition pour protester contre les essais nucléaires français dans le Pacifique. Il donnera aussi naissance au Mouvement pour une alternative non-violente ( MAN) et à « l’Institut de recherche sur la résolution non violente des conflits ».
Dans les années 70 et au-delà sa voix portait auprès des jeunes, militants chrétiens ou politiques, voyageurs de la communauté de Taizé, de Lip à Besançon ou du camp du Larzac. Une voix forte qui naturellement va manquer aujourd’hui.
Des hommages
Jean-Pierre Sueur
« Jean-Marie Muller, ou la non-violence en pensée et en actes»
Jean-Marie Muller vient de nous quitter. Il aura consacré toute sa vie à penser la non-violence, et à mettre ses actes en conformité avec sa pensée. Il habitait dans le Loiret, à Chanteau. Il était amical, fraternel. Je me souviens de longues conversations avec lui. Il était très ouvert au dialogue, y compris avec les responsables de la Défense, qui ont, à plusieurs reprises, sollicité ses réflexions et analyses.
Il avait publié trente-six livres, une œuvre considérable, depuis « L’Évangile de la non-violence », en 1969, jusqu’à « La violence juste n’existe pas. Oser la non-violence », en 2017, en passant par « Désarmer les dieux », ample analyse des rapports entre les religions et la violence, et des ouvrages consacrés à Gandhi, Simone Weil, Charles de Foucault, Albert Camus, Nelson Mandela, Guy-Marie Riobé, etc. Ses livres ont été traduits dans le monde entier, parfois clandestinement, comme en Pologne.
Jean-Marie Muller avait sollicité l’objection de conscience, alors qu’il était officier de réserve. Il s’en suivit un procès au cours duquel il reçut le soutien de Guy-Marie Riobé, évêque d’Orléans. Il alla protester sur place, dans le Pacifique, contre les derniers essais nucléaires français. Il participa à la conférence de Medellin. Il se rendit partout, en Amérique du Sud, en Afrique, au Moyen Orient, en Inde, au Liban, pour défendre ses convictions lors de multiples conférences, colloques, ou en donnant de nombreux enseignements. Il était connu dans le monde entier, parfois plus qu’en France.(…)
Ses convictions étaient fortes. Il était chaleureux. Qu’on partage des idées ou non, sa contribution est féconde et profonde pour toutes celles et tous ceux qui aspirent à la paix – dans un monde où la violence et la guerre prennent toujours trop de place.
Un grand merci, Jean-Marie ! »
Michel Caillat ancien professeur au lycée Jean Zay
« Principal penseur de la non-violence en France, auteur de nombreux ouvrages, l’Orléanais Jean-Marie Muller vient de mourir. Sa pensée fut largement ignorée, déformée voire censurée. Son “Non à la violence” était un NON de résistance. Il ne niait pas la violence, il voulait la délégitimer. Pendant 50 ans, et jusqu’à la fin, il aura conduit avec courage ses combats politiques dans le monde entier pour une autre société plus égalitaire, plus harmonieuse, plus vivable. Un ami m’a adressé ces mots si justes : “Il a vécu en philosophe. Il a eu le courage et la persévérance de vivre sa pensée et de penser sa vie”. Il ne faut oublier ni l’homme ni son œuvre. »
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Le Blog de Jean Marie Muller