La très belle exposition consacrée au Saint Thomas de Velàzquez « Dans la poussière de Séville » s’est achevée en novembre 2021, après un grand succès rencontré auprès des visiteurs. Magcentre a eu envie d’en savoir plus sur les retombées directes et indirectes de cet événement et a rencontré Corentin Dury, conservateur du Musée des Beaux-Arts (MBA) d’Orléans et commissaire de l’exposition.
Par Anne-Cécile Chapuis
Corentin Dury, conservateur du Musée des Beau-Arts d’Orléans, dans son bureau encore empli de l’exposition « Sur les traces du Saint Thomas de Velàzquez » Photo AC Chapuis
Corentin Dury nous reçoit dans son bureau, au dernier étage du musée. Velàzquez y est encore omni présent, avec un mur couvert de planches, documents et reproductions consacrées à cette exposition « C’est ainsi que je travaille, dans le visuel. j’ai besoin d’être entouré des tableaux, de m’en imprégner pour faire les rapprochements » nous explique-t-il. Et ses propos sont agrémentés d’exemples et mises en lumière de détails, comme cette lanière d’un psautier, peinture très libre et presque spontanée chez Velàzquez, alors que beaucoup plus travaillée chez Ribera. «Ce n’est pas pour rien que Velàzquez était considéré comme « le peintre des peintres » ainsi que le définissait Edouard Manet quelques siècles plus tard ». A entrer dans cet univers du conservateur du Musée, l’on ressent bien la prégnance d’une telle exposition, dans les réflexions, croisements, explorations qui l’ont traversée. Et l’impact ?
Des retombées multiples
L’exposition a suscité un « bel engouement des orléanais » avec un public renouvelé, notamment de jeunes, ce qui reste une préoccupation constants des responsables du Musée. Mais elle a attiré aussi un public extérieur, venu de pays voisins. La presse espagnole s’en est largement fait l’écho et a contribué au rayonnement du Musée d’Orléans.
Un prêt de tableau prorogé.
D’emblée Corentin Dury parle d’une toile représentant Saint Simon, attribuée à Velàzquez dont le propriétaire (un collectionneur privé) a prolongé le prêt au Musée d’Orléans pour 5 ans. Ce tableau avait été signalé par Guillaume Kiemtz, un expert de Velàzquez, ancien conservateur au Louvre et actuellement en poste à New-York. Il offre des points de comparaison manifestes avec Velàsquez, et a pris tout naturellement sa place aux côtés de Saint Thomas tout en relançant les questions autour du Maître. Avait-il un atelier ? S’entourait-il d’élèves ? A-t-il réalisé des séries type Apostolado ? En tout état de cause, c’est la peinture sévillane qui s’enrichit de connaissances et descriptions, avec des observations qui génèrent de nouvelles questions, des découvertes qui font avancer les hypothèses, et des doutes qui continuent d’être la première qualité d’un connaisseur. Corentin Dury cherche, avance, se détache des discours ambiants, revient toujours aux sources et redit qu’une exposition est « un véritable laboratoire »
Saint Simon, attribué à Velàzquez, collection particulière, et Saint Thomas de Velàzquez se cotoient aux cimaises du MBA d’Orléans. Photo AC Chapuis
Un cycle de conférences très suivi et apprécié
Un cycle de cinq cours sur la peinture sévillane se tient actuellement dans le prolongement de l’exposition. Co-organisé avec les amis du Musée, il permet à tout public intéressé, d’approcher de plus près cette peinture encore mal connue, avec des rapprochements inédits construits par Corentin Dury. Ces séances sont passionnantes et fort bien documentées. Elles sont un véritable voyage dans le temps et dans l’espace entre l’Espagne et l’Italie, et rencontrent un grand intérêt chez les auditeurs. Une journée d’études devait avoir lieu lors de l’exposition, et de nombreuses personnalités internationales s’y étaient inscrites. Les dispositions sanitaires l’ont rendue impossible, et elle ne sera pas reportée : elle devait se tenir « au milieu des tableaux », Corentin Dury y tenait, pour un retour aux sources à partir des originaux et non sur représentations ou propos déjà émis, et pour une mise en corrélation qui permet un autre regard.
Un repositionnement du Musée d’Orléans à travers ses collections
A partir d’un tableau de renommée internationale, l’exposition a positionné le MBA d’Orléans dans la richesse de ses collections, lesquelles sont les forces vives d’un musée. Au delà d’une pièce rare, c’est montrer la richesse d’un musée, dans un questionnement ré-activé sur une école de peinture rarement étudiée en France.
A travers cet événement, c’est aussi le travail d’une équipe que Corentin Dury tient à saluer. Une quarantaine de personnes travaillent pour le MBA d’Orléans. Une exposition est l’aboutissement d’un travail collectif qui mobilise les spécialistes, techniciens, chargés de récollement (ceux qui connaissent les collections, leur état et localisation) personnels de l’accueil du public ou les services administratifs, dans une envie de partager, de communiquer, de faire vivre les richesses du Musée d’Orléans. Et le visiteur peut prolonger sa rencontre avec les catalogues disponibles au Musée, soigneusement renseignés par le commissaire de l’exposition.
Les projets
Les cours antérieurement dispensés par l’Ecole du Louvre sont désormais repris par le Musée d’Orléans, qui s’engage sur deux cycles par an. Le prochain sera consacré aux œuvres du XIXe siècle dont le MBA détient de belles pièces dans ses salles récemment rénovées. Et gageons que d’autres expositions seront prochainement offertes au public, peut-être venant de l’Italie ? Nous nous tiendrons informés pour suivre l’actualité de ce beau musée bien mis en valeur. par son dynamique conservateur.
Pour en savoir plus : https://www.magcentre.fr/215289-retro-orleans-sur-les-traces-du-saint-thomas-de-velazquez/