France Loisirs La fin d’une (belle) époque

Fondé en 1970, le club de livres par abonnement s’apprête à fermer 108 (sur 122) de ses boutiques dont celles de Blois et d’Orléans. La fin d’une époque et d’un modèle économique.

Par Jean-Luc Vezon

Cathy Seigneuret, responsable des boutiques de Blois et d’Orléans regrette que l’entreprise n’ait pas su s’adapter à la concurrence et aux nouvelles attentes des clients. Crédit photo Jean-Luc Vezon

Lorsque Bertelsmann et les Presses de la Cité créent le Club en 1970, la France est en pleine croissance économique et la frénésie de consommation touche le livre et la culture. En adhérant au Club France Loisirs, les clients s’engagent alors à acheter au minimum quatre livres par an.

France Loisirs s’est développé sur cette clientèle captive comptant jusqu’à quatre millions de lecteurs dans les années 80. On se bouscule alors dans ses boutiques chaleureuses pour acheter des livres présélectionnés que l’on choisit sur des catalogues de qualité. « Le club où il fait bon vivre » est alors à l’image d’un pays qui croit encore dans son avenir.
« France Loisirs, c’est un peu l’histoire de ma famille. J’ai adhéré en 1976 et j’avoue qu’au long de ces années, j’ai tissé des liens forts avec cette entreprise. Nous étions toujours bien accueillis avec le sourire et gentillesse par des vendeuses qui connaissent bien nos attentes » évoque Françoise, une blésoise retraitée de la coiffure de 78 ans.

Une stratégie de vente

Pour se développer, l’entreprise met en place également une stratégie de vente qui fera sa force et sa renommée. Les salariés de ses 200 boutiques (aux heures de gloire) maîtrisent parfaitement la vente conseil. Et savent mettre de l’humain au cœur de cette activité de vente.
« Quand on rentrait dans une boutique, on n’était pas seulement un portefeuille mais une personne à part entière. Rien à voir avec la machine à fric Amazon » poursuit le solognot Alain, un autre habitué. Cet amateur de polars trouvait toujours son compte dans les rayons de la boutique blésoise. Les romans d’Harlan Coben étaient par exemple toujours présentés en avant-première par le Club.

Dans les années 2000, la montée en puissance des grands distributeurs de livres comme Leclerc, l’émergence de la vente en ligne associée à la persistance de la crise économique et à celle des centres villes vont mettre à mal le modèle. Après un premier redressement judiciaire en 2017, la seconde procédure mettra le point final d’une aventure de 41 ans. Les tentatives de diversification ( produits de bien-être et huiles essentielles Karine Herzog, téléphonie … …) n’auront jamais permis de redresser la barre.
« Les salariés de points de vente ne sont pour rien dans la liquidation des boutiques ». Lorsqu’elle lit ce message de leur directeur commercial, Cathy Seigneuret, responsable de la boutique de Blois a du baume au cœur. Comme ces collègues, elle sait que d’autres décisions auraient pu être prises notamment lors du plan de continuation de 2018.
« Il aurait fallu sortir du système de la carte. Nous l’avons fait trop tardivement. Les consommateurs d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a 30 ou 40 ans. Ils veulent rester libres de leur choix » précise-t-elle. C’est d’autant plus dommage que l’entreprise avait longtemps su faire preuve d’innovation. En 1998, elle lançait par exemple sur Internet Trente jours à tuer, le premier roman interactif co-écrit par Yann Queffélec et les internautes.

Un espoir cependant

Reprise par la Financière trésor du patrimoine, qui exploite notamment la marque l’Homme moderne, à la barre du tribunal de Paris, France Loisirs va maintenir 14 magasins en France dont celui de Tours dans notre région. Et la vente en ligne va perdurer. « On se sait pas encore si l’enseigne va rester accrochée mais ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas définitivement morts. Il nous reste 800 000 clients fidèles qui peuvent continuer à faire vivre la marque » espère la responsable.
Mais, ce 21 décembre 2021, premier jour de l’hiver, c’est un peu la désolation. Cathy Seigneuret s’apprête à rendre les clefs de la boutique du 14 rue porte-coté. Les derniers clients et amis viennent une dernière fois témoigner leur soutien. Ils se souviennent des dédicaces, des fous rires, des moments de partages autours des livres, des animations …

Une librairie qui meurt, ce n’est pas une page qui se tourne, c’est un livre qui se ferme, à jamais.

Il n’est jamais facile de tourner la dernière page … Crédit photo Jean-Luc Vezon.

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