Il a déjà presque une dizaine de films à son actif. Jérôme Bonnell sort Chère Léa, une comédie légère et profonde. Dans une grande unité de lieu et d’action, il nous raconte les complexités humaines d’hommes de quarante ans. Avec des acteurs exceptionnels, tout son film est un conte absolument prenant par sa richesse, son élégance et la minutie de cinéma qu’il déploie. En plus, Jérôme Bonnell en parle très bien dans une interview qu’il nous a confiée.
Par Bernard Cassat
Fin novembre, Jérome Bonnell était venu présenter en avant première son film Chère Léa. Nous l’avions alors rencontré. Avec douceur et une grande précision, il nous a parlé de son film, de ses interrogations sur l’amour, sur les ruptures, sur les difficultés à les raconter en films. Donc il nous a parlé de cinéma, de ses acteurs et de l’importance du scénario.
En effet, son film Chère Léa condense en une journée et en deux ou trois lieux une histoire complexe dont on ne saura pas tout, mais seulement qu’elle se finit, et que la fin est difficile pour Jonas, le personnage que joue Grégory Montel. Un café, lieu de prédilection de Jérôme Bonnell et du cinéma français, va servir de point de jonction de plusieurs trajectoires, celle de Jonas mais aussi du patron, joué par Grégory Gadebois. Un très beau dialogue va se créer entre eux, et se dérouler sans fioriture, mais en touchant aux choses essentielles. Car sous ses dehors très calmes et ordinaires, Jérôme Bonnell va sans aucune affectation à l’essentiel, le rapport entre humains, donc le rapport amoureux, et la manière dont on peut en parler. Il reprend à son compte une élégance de ses ainés de cinéma, Truffaut ou même Michel Deville, en tissant chaque plan avec une rigueur et une intelligence d’image sans faille.
Jonas (Grégory Montel) et le patron du bistrot (Grégory Gadebois). Photo Diaphana Distribution
Rien d’extraordinaire dans les scènes du café au début, avant que Jonas ne se mette à écrire. Et pourtant elles installent avec minutie les personnages dans le lieu, leurs rapports naissants, leurs attitudes qui vont se développer par la suite, s’enrichir. On pouvait s’identifier au personnage qui commande son café, on ne peut plus tout à fait quelques plans plus loin, parce que Jonas s’est mis à exister. La bande son dans ce café complète le « naturalisme » voulu de cette narration. Klaxons des voitures, bruits de la rue très présents, bruits à l’intérieur du café, cuillère contre tasse, téléphones, bruit du briquet qu’on pose. Le travail est minutieux et efficace.
Les rôles dits secondaires apportent énormément. Le couple mère fils dans le bistrot, Loubna, la sœur du patron, le nouvel amant de Léa, ces personnages drôles, un peu loufoques mais qui restent dans le cadre du scénario apportent une légèreté réelle, poussant le film vers la comédie qu’il se prétend être.
Comédie de mœurs moderne, donc, Chère Léa rayonne d’intelligence et d’élégance. Rien d’étonnant de la part de Bonnell qui a eu le prix Jean Vigo très jeune pour Les yeux clairs, en 2005. Son cinéma, toujours sur la même trajectoire des « films français d’auteurs », se déploie avec bonheur. Peut être parce qu’en préparant ce dernier film, il nous a dit avoir regardé plutôt des westerns que la Nouvelle vague. Le bistrot/saloon, les tireurs-voyeurs à la fenêtre, les attentes de trains dans la gare… Ca l’a formidablement inspiré !
Chère Léa
Ecrit et réalisé par Jérôme Bonnell
Avec Gregory Montel, Grégory Gadebois, Anaïs Demoustier, Léa Drucker, Nadège Beausson-Diagne
Son David Sztanke
Directeur photo Pascal Lagriffoul