Verbatim de l’intervention de Pierre Allorant dans le cadre du débat organisé en séance plénière du CESER lundi dernier après une intervention, qui allait dans le même sens, du Président François Bonneau sur l’urgence de la situation, exaspéré par les atermoiements.
Suite aux débats au conseil régional qui avaient vu deux propositions de vœux des Républicains et de la Majorité, il était prévu la discussion d’un vœu, mais finalement le Président Bonneau a convaincu tous les groupes politiques du conseil régional et le CESER Centre-Val de Loire de préparer ensemble pour février 2022 un texte commun afin de convaincre les pouvoirs publics (Etat dont ARS et ministère de la Santé) de prendre les mesures indispensables.
Par Pierre Allorant vice-président du CESER*
Chacun le sait, la Santé est le premier sujet de préoccupation des habitants de notre région, dans tous ses départements. Nous vous remercions de dépasser les postures partisanes pour œuvrer ensemble dans l’intérêt général, afin de sortir au plus vite d’une situation grave avant la pandémie, désormais dramatique.
Le rapport du CESER Centre-Val de Loire sur les hôpitaux avait tiré la sonnette d’alarme dès 2019.
Aujourd’hui, affluent auprès des médecins de ville et des services hospitaliers des malades dont les pathologies graves n’ont pas été diagnostiquées à temps, faute de professionnel de santé disponible. C’est inacceptable. Le droit constitutionnel d’égal accès à la protection de la santé, au sens de la santé-bien-être de l’OMS, n’est plus assuré dans notre région.
De plus, des études récentes ont souligné le mal-être et la santé mentale dégradée des étudiantes et étudiants en médecine, du stress de la première année aux tentatives de suicide des externes et internes : un futur médecin sur quatre a pensé à mettre fin à ses jours sans trouver suffisamment d’aide, de soutien. C’est inimaginable.
Tout aussi grave, la pénurie de professionnels a presque réduit à néant la prévention : médecine du travail, médecine scolaire, médecine universitaire sont exsangues.
Face à cela, et avec des arguments solides, le doyen de médecine de la faculté de Tours ne cesse de rappeler qu’il ne dispose pas du potentiel et des moyens à Tours pour former davantage de médecins. D’ailleurs, les effectifs projetés jusqu’en 2025 (selon
l’ARS) prévoient seulement 1500 médecins formés dans notre région, soit moins annuellement que l’objectif des 340 évoqués en 2019. Du fait de la pyramide des âges des professionnels en poste, notre région continuerait à perdre des médecins et resterait la dernière dans le ratio de professionnels de santé par habitants. Comment s’y résigner ?
Or, le recours à des professionnels étrangers n’est pas une solution pérenne, comme vient d’en témoigner un nouveau rapport publié dans Les Echos. Alors que l’on parle relocalisation et reconquête de souveraineté, comment justifier de continuer à briser les vocations des jeunes de la région à s’y former aux soins et à y travailler ?
Ce constat alarmant n’empêche pas des signes d’espoir, de rebond. Rien n’est impossible, mais il faudra mobiliser tous les leviers. Pourquoi les régions voisines, de taille et à population comparables, forment-elles environ deux fois plus de médecins par an ? Grâce à plusieurs sites de formation, irrigant l’ensemble de leur territoire : Besançon et Dijon, Caen et Rouen, Angers et Nantes. Tours fait le maximum, mais est seule et excentrée à l’ouest : ses internes sont logiquement tentés de partir s’installer sur la façade atlantique.
Il s’agit donc d’aider Tours à fournir l’Est et le Sud de la région en professionnels, secteurs les plus carencés et qui ont un potentiel hospitalier, universitaire, de terrains de stage et de recherche. Comment justifier de continuer de se priver du potentiel de haut niveau du CNRS, de l’université d’Orléans et du CHRO, alors qu’il faut au plus vite réussir à inverser la tendance ? Tours a le leadership régional en Santé, comme Orléans pour le droit et l’économie, cela implique des responsabilités et d’assurer un aménagement du territoire. Être un CHU pleinement de recherche obligera à s’appuyer sur tout le potentiel régional, sur deux sites universitaires, quel que soit le schéma structurel choisi (CHU bi-site ou seconde faculté). Angers, Nancy ou Montpellier l’ont compris, qui coopèrent étroitement avec Le Mans et Laval, Metz et Nîmes. La tendance à la polarisation de l’Est et du Nord de la région par Paris n’est pas inéluctable. La région Centre-Val de Loire peut le faire, faisons-le tous ensemble, vite ! Il y a urgence.
Les habitants ont été trop longtemps patients.
*Pierre Allorant est également administrateur de Magcentre