Je ne connais pas beaucoup Hugues Saury (LR) et je ne me suis jamais intéressé à sa carrière politique. Je sais qu’il est propriétaire d’une pharmacie à proximité des bords de la rivière qui traverse sa commune. Je l’ai croisé une fois alors qu’il était maire d’Olivet et qu’il se prêtait à l’exercice d’aller, avec quelques adjoints, à la rencontre des habitants et électeurs. Ils avaient fait ce déplacement à vélo, et Hugues Saury m’avait complimenté sur le modèle vintage de bicyclette hollandaise que j’utilisais à l’époque.
Par Patrick Communal
Je l’avais trouvé plutôt sympathique, bon enfant pour répondre aux habituelles questions des citoyens relatives à la circulation, la voirie et au stationnement des véhicules. Ces sujets ont en effet, le plus souvent, l’exclusivité des exercices de démocratie directe auxquels se livrent les élus locaux. Hugues Saury n’a pas été seulement maire mais a également présidé l’assemblée départementale avant de devenir sénateur du Loiret. Je viens de découvrir avec effarement qu’il fait partie de la poignée de parlementaires ayant refusé de voter l’interdiction, approuvée par l’ensemble des groupes politiques, des thérapies de conversion dont ont été victimes de nombreuses et nombreux jeunes homosexuels et transgenres.
De la corporation des apothicaires…
C’est à partir du 15ème siècle qu’on désigne sous le nom d’apothicaires la corporation des épiciers qui vendent les drogues et remèdes destinés à soigner les malades, mais ce n’est qu’au début du 19ème siècle que les apothicaires deviennent des pharmaciens ; l’appellation nouvelle fait de cette discipline une branche de la médecine nécessitant des études et des connaissances approfondies. Le vote d’Hugues Saury au Sénat tourne le dos à l’esprit des lumières, aux apports de la science, de la philosophie, de la raison et de l’humanisme et nous replonge dans un obscurantisme inspiré par une radicalité religieuse d’un autre temps. Ce dévoiement est de même nature que celui qui ramènerait le pharmacien olivetain au statut d’apothicaire du Loiret.
… aux thérapies de conversion
Pour éclairer le lecteur sur l’ampleur de la régression intellectuelle et morale de ce vote, il convient de rappeler ce que sont les thérapies de conversion au regard des persécutions d’origine religieuse qui frappent depuis des siècles homosexuels et transgenres. Partout où l’islam est religion officielle, l’homosexualité demeure un délit pénal pouvant entraîner la peine de mort dans les états les plus radicaux avec lesquels nous pratiquons parfois le commerce des armes. Dans les pays de tradition chrétienne, la condamnation était de même nature mais la sécularisation des états a conduit une fraction de l’église catholique et des organisations évangélistes à mettre l’argumentaire religieux sous le boisseau pour traiter l’homosexualité, non plus comme une transgression morale relevant du péché mais une maladie susceptible d’être soignée, c’est ainsi que ces églises ont fait appel aux ressources d’une pseudo-médecine et de la psychanalyse pour inspirer des thérapies dites de conversion. La thérapie de conversion a pour objet d’imposer l’hétérosexualité aux personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres.
Ces pratiques se sont avérées traumatisantes et souvent dangereuses, notamment chez les adolescents pouvant stimuler un désir accru de suicide. On a donc assisté en Amérique du Nord, au Brésil, en Equateur, à Porto Rico et dans les états européens à un mouvement législatif visant à leur interdiction. L’Union européenne a invité les états membres à adopter des textes en ce sens et l’Assemblée nationale a ainsi voté à l’unanimité une proposition de loi déposée par la députée LREM Laurence Vanceunebrock, le texte a également été adopté à une large majorité du Sénat, le 7 décembre 2021, à l’exception de 28 sénateurs LR parmi lesquels Hugues Saury.
Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes avait pourtant martelé : « Être soi n’est pas un crime. Non, l’homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies qui l’on pourrait soigner. Non, il n’y a rien à guérir » et elle a dénoncé ces pratiques comme « des atteintes insupportables à l’intégrité humaine » (Le Monde 7.12.2021)