Depuis le premier janvier 2020, les métropoles gèrent l’eau potable. De fait, la Métropole d’Orléans décidera au printemps 2022 si elle conserve une délégation de service public ou si elle passe en régie publique. Les associations locales dénoncent toutefois un manque de concertation avec les citoyen(ne)s.
par Sophie Deschamps
L’eau potable est un sujet majeur puisque nous l’utilisons toutes et tous au quotidien. Le fait est que nous ouvrons nos robinets sans y penser tellement ce geste nous paraît normal et anodin. Pourtant, avant d’arriver dans nos maisons, l’eau doit être captée et assainie pour être justement potable.
Neuf régies municipales et treize délégations de service public dans la Métropole
Une tâche qui était dévolue aux communes jusqu’à il y a encore peu. Toutefois cette compétence est passée aux métropoles depuis le 1er janvier 2020. Celle d’ Orléans a même anticipé en s’emparant de la question dès le premier janvier 2017. Car il a fallu procéder d’abord à un état des lieux, puisque les 22 communes avaient des modes de gestion de l’eau différents.
Neuf communes gèrent leur service de l’eau potable en régie publique tandis que les treize autres ont une délégation de service public (DSP), gérée par Suez ou Véolia Eau par le biais de sept contrats privés communaux ou intercommunaux. Or, la grande majorité de ces contrats arriveront à échéance le 31 décembre 2023. De fait, la Métropole d’Orléans réfléchit à la réorganisation et au futur mode de gestion de l’eau potable et de l’assainissement des 22 communes de la Métropole. Les eaux pluviales urbaines et la défense extérieure contre les incendies sont aussi concernées. L’enjeu est donc de faire basculer tout ce qui concerne l’eau potable de ces 22 communes vers une gestion privée ou au contraire de créer un service public de l’eau.
Les associations veulent mettre leur grain de sel
Les citoyen(ne)s de certaines communes se sont déjà emparé(e)s de la question notamment à Olivet avec la création en 2011 d’Initiative Citoyenne pour l’Eau à Olivet, ICEO. C’est aussi le fameux « Arrêt Olivet » qui a permis de faire baisser le facture de l’eau potable de la commune de 47% depuis 2015 mais aussi de réduire la durée des DSP à 15 ans. Citons encore Eau Secours Orléanais 45, un collectif créé en 2013 qui agit pour la qualité de l’eau, le droit d’accès à l’eau pour tous en dehors de tout profit, un service public de l’eau et de l’assainissement au bénéfice de la population et sous son contrôle.
Deux entités qui dénoncent le manque de concertation avec la population de la Métropole. Ainsi Éric Vidal, d’Eau Secours Orléanais 45, constate que « à six mois de la décision des élu(e)s, il n’y a eu aucune communication, aucun débat, même au cours des Assises de la Transition, auxquelles l’association a participé activement, pour que les citoyen(ne)s, élu(e)s compris, puissent s’informer et donner leur avis sur le devenir de ces deux services et sur leur gouvernance ». Un collectif qui rappelle par ailleurs que « les coûts de l’eau et de l’assainissement sont financés dans leur totalité par leurs factures d’eau ».
De son côté André Bouchoule, président d’ICEO s’indigne que « pour une décision aussi importante, la consultation des usagers ne soit pas obligatoire. C’est un vrai déni de démocratie » . La crainte d’Éric Vidal, ce sont « les votes bloqués par groupes politiques à la Métropole qui risquent d’empêcher tout débat et de permettre à la majorité de droite de reconfier la gestion de l’eau à Suez ou Véolia Eau en 2024. Nous plaidons pour que chaque conseil municipal des 22 communes puisse donner son avis mais nous avons peu d’espoir d’être entendus ».
Deux réunions sur l’eau à Orléans
C’est pourquoi ces deux associations ont pris les choses en main. Elles ont ainsi invité à Orléans les 7 et 8 décembre 2021 Christophe Lime, président de la Régie eau Grand Besançon Métropole. Celui-ci a participé à deux rencontres : une réunion avec des élu(e)s de la Métropole d’Orléans et une réunion publique, suivie d’un débat.
Pour la réunion de travail, onze élu(e)s de Fleury-les-Aubrais, Bou, et Saint-Jean-de-Braye (des villes de gauche) se sont déplacé(e)s. Ceux d’Ingré et de Saran se sont excusés. Mais ceux des autres communes ne sont pas venus.
La réunion publique a rassemblé, elle, une quarantaine de personnes le 7 décembre à la maison des associations d’Orléans-la-Source.
Des villes françaises sont passées en régie dont Blois, Tours et Bourges
Christophe Lime en a profité pour expliquer l’exception française en matière d’eau. En effet, la gestion publique est désormais majoritaire en Europe, à l’exception de l’Angleterre. C’est la Suisse qui va le plus loin en interdisant la privatisation de l’eau dans sa constitution. Pour Christophe Lime, « le sens de l’histoire va vers un service public de l’eau ». Ainsi de grandes villes sont déjà passées en régie municipale comme Paris, Nice, Rennes, Grenoble, Cherbourg, Besançon tandis que Lyon et Bordeaux basculeront le 1er janvier 2023. Dans notre région, Tours, Blois, Bourges sont en régie municipale tandis qu’Orléans et Châteauroux ont délégué la gestion de l’eau au secteur privé. A noter enfin le cas de Chartres qui s’est dotée d’une SEMOP, un compromis entre le public et le privé.
L’exemple de Besançon, dont la métropole rassemble 70 communes, est intéressant car comme le précise le président de la Régie Eau Grand Besançon Métropole « un représentant de l’eau reste présent dans chaque commune, car c’est elle qui a la connaissance de terrain » tout en ajoutant que « les élus sont là pour gérer, pas pour déléguer. Et je suis surpris que les élus ne veulent pas prendre cette compétence qui est fondamentale et moins compliquée que d’autres à gérer. D’autant que c’est l’enjeu majeur de ce qui va se passer dans les années à venir en France et ailleurs à cause du changement climatique ».
Deux visions de la gestion de l’eau
Il y a aussi un enjeu politique autour de l’eau avec deux visions opposées. Christophe Lime le résume ainsi : « Quand un problème de pollution de l’eau apparaît, une régie municipale va en chercher les causes pour les supprimer, ce qui peut pendre du temps. De son côté, la DSP va proposer de traiter la pollution avec une usine clé en main car son but, c’est de faire du business. » Et de citer aussi l’exemple de McDonald’s qui vend de l’eau potable filtrée sept euros le litre.
Les associations aimeraient enfin que le dossier de l’eau soit aussi l’un des enjeux prioritaires de la Présidentielle de 2022, mais là encore rien n’est moins sûr.
Photo de Une : portail de l’Orléanaise des Eaux. Photo Sylvie Venuat