Kurô Tanino est un homme de théâtre japonais, invité par le Centre Dramatique National d’Orléans. Son spectacle Fortress of smiles est une re-création d’une pièce montée en 2006. Elle montre deux appartements mitoyens dans lesquels se déroule la banalité quotidienne. Le théâtre est ici monstration et non démonstration.
Par Bernard Cassat
Les deux pièces mitoyennes
Le décor est joli, une petite maison coupée en deux appartements et ouverte aux spectateurs sur le devant. Très réaliste, en tout cas. A gauche, des pécheurs boivent et discutent femmes et télé. A droite, vide au début, une « famille » vient s’installer. Une vieille femme sans doute un peu démente, son fils et sa petite fille qui s’occupent d’elle.
Et c’est tout. L’action, si l’on peut parler d’action, ne proposera pas grand chose d’autre. Les pécheurs s’en vont, laissant dormir leur patron. La vieille femme dort tout le temps, quand elle ne pisse pas partout. Les dialogues de la famille sont réduits, ceux des pécheurs inintéressants. Pendant près de deux heures ! Seul l’échange d’un « crabe des neiges », cadeau du pécheur à ses voisins, aurait pu les rapprocher. Mais il n’en est rien.
La présence américaine
La civilisation japonaise est très éloignée de l’européenne, et on ne sait pas trop quel est le ton de ce spectacle. Y a-t-il de l’ironie, de la compassion, de l’humour ou de l’analyse sociale, de la fameuse difficulté de communication ? De la fragilité du quotidien, nous dit-on dans un commentaire. Certes.
Le pécheur un peu saoul regarde un film de Clint Eastwood à la télé et le raconte le lendemain à son copain, en parlant d’un western débile plein de scènes de saloon. Son voisin, pendant que sa mère dort, lit un livre, Le vieil homme et la mer, d’Hemingway. Que film et livre soient américains ne doit pas être innocent. Culture occidentale opprimante ? L’astuce théatrale de la balade empruntée au western de Clint, truc théâtral assez réussi, ne change pas le mystère de cette pièce.
Kurô Tanino, le metteur en scène, a beaucoup de succès en Europe depuis déjà plus d’une décennie. Il a abandonné ses études de psychiatrie pour faire du théatre. Il y a sans doute ce regard d’un psy sur ses patients, cette attention, cette recherche du détail. Le personnage de Kurô Tanino semble beaucoup plus intéressant que sa pièce. Il fait dans des textes référence à Marcel Duchamp. L’urinoir dans un musée, la banalité quotidienne sur scène, même type de démarche artistique ?
Fortress of smiles
Avec Susumu Ogata, Kazuya Inoue, Koichiro F.O. Pereira, Masato Nomura, Hatsune Sakai, Katsuya Tanabe, Kanako Nishida
Texte et mise en scène Kurô Tanino
Traduction française Miyako Slocombe
Vendredi 3 et samedi 4 décembre 18 h
Théâtre d’Orléans bd Pierre Ségelle 45000 Orléans
CDN Orléans