Le nucléaire a-t-il un avenir en France ?

Thierry Gadault a donné une conférence sur le nucléaire français le 3 décembre 2021 à Orléans avec un titre choc : « Le nucléaire n’a pas d’avenir en France ». Ce journaliste indépendant qui enquête depuis dix ans sur l’atome est le co-auteur du livre Nucléaire, danger immédiat (2018, Flammarion) et du documentaire télé Nucléaire, la fin d’un mythe diffusé sur Public Sénat en 2018. Il a accordé à Magcentre un entretien exclusif.

propos recueillis par Sophie Deschamps 

La centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) est l’une des centrales les plus vétustes du parc nucléaire français. Photo Mag Centre

Pourquoi affirmez-vous que le nucléaire n’a pas d’avenir en France ?

Thierry Gadault : Je dis cela parce que le temps de construction d’une centrale nucléaire est beaucoup trop long par rapport à l’urgence climatique d’aujourd’hui. Une urgence signalée et resignalée par les scientifiques du GIEC. Donc on n’a pas le temps d’attendre que le nouveau nucléaire soit prêt parce qu’il ne l’est pas du tout. Car contrairement à ce que l’on nous dit, il n’y aura pas de mises en chantier en 2022 ou 2023, à moins de vouloir refaire la catastrophe du chantier de l’EPR de Flamanville, il faut donc passer à autre chose.

Pourtant, nous avons un président de la République qui veut installer en France des petites centrales nucléaires, les SMR (Small modular reactors) ?

T.G. : Oui, c’est la dernière blague, les SMR. D’abord parce que c’est un “réacteur de papier” qui ne sera prêt à être construit, si tout se passe bien, qu’entre 2030 et 2035, donc là aussi il faut attendre. Et puis ensuite, il y a le temps de construction et de mise au point. Par ailleurs, c’est un réacteur de 170 mégawatts de puissance alors que l’EPR c’est 1650 mégawatts. Cela voudrait dire qu’il faudrait installer dix SMR pour avoir l’équivalent d’un EPR, c’est ridicule. On voit bien que c’est du grand n’importe quoi quand on y réfléchit. 

Alors pourquoi une grande partie de la classe politique, notamment la droite, ne jure que par le nucléaire ?

T.G. : Tout simplement parce qu’en France, nous avons un état nucléaire. Toutes nos élites administratives, politiques et industrielles sont pronucléaires. C’est cela qui pose problème parce qu’elles n’ont aucune idée de la réalité de cette industrie. Elles prennent ce que dit EDF pour argent comptant alors qu’EDF est dans le déni de réalité en permanence. C’est pour ça qu’on continue à rêver que la France fera ce que tous les autres pays quasiment ont refusé de faire et ont abandonné, à savoir poursuivre cette folie nucléariste. Si l’Allemagne, la Belgique, l’Italie ont abandonné le nucléaire et si les États-Unis ne veulent toujours pas en refaire, c’est pour des rasions concrètes, à savoir que c’est trop long, trop cher, trop complexe, et qu’il est bien plus simple aujourd’hui de déployer les énergies renouvelables. 

Mais ce n’est pas EDF qui a la main aujourd’hui sur les énergies renouvelables ?

T.G. : Non, on est normalement dans un marché concurrentiel. Ceux qui décident aujourd’hui de la politique énergétique, c’est encore officiellement le gouvernement à travers le programme pluriannuel de l’énergie. Donc c’est à eux d’indiquer quels sont les bons outils à déployer, d’imprimer le rythme et de reconnaître que le nucléaire est une énergie du XXe siècle qui n’a pas d’avenir au XXIe. 

D’ailleurs, je ne dirais pas que le choix du nucléaire à la fin des années 1960 était une erreur. Mais je constate que ce choix on ne peut plus le refaire aujourd’hui pour un certain nombre de raisons, la première étant le changement climatique, justement. Il est temps que l’on ouvre les yeux en France et que l’on se rende compte que le nucléaire appartient au passé. Il a fait la grandeur industrielle de la France, très bien bravo. Mais aujourd’hui la grandeur industrielle des pays européens et ce qui devrait être la nôtre, c’est de développer technologiquement, industriellement et financièrement les énergies renouvelables. Nous sommes en train de louper complètement ce virage. Il est encore temps de s’y mettre et de montrer qu’il existe une filière industrielle française dans ces nouvelles technologies.

On pense également à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, l’ASN, qui déclare régulièrement qu’un accident nucléaire est probable aujourd’hui en France. On se dit que cela devrait suffire à alerter et à faire changer de cap…

T.G. : On pourrait l’espérer mais le rôle de l’ASN n’est pas de se positionner sur la politique énergétique. Elle estime les problèmes potentiels qui peuvent apparaître en fonction des choix qui sont faits vis-à-vis du nucléaire. Elle s’en tient uniquement à sa mission de contrôle et de surveillance des installations nucléaires en France.

Il y a aussi le rapport du GIEC qui pointe le fait que les centrales nucléaires sont très gourmandes en eau. Or, l’eau va aussi être un enjeu important dans les années à venir.

T.G. : Oui et c’est bien pour cela que l’on ne peut pas continuer à construire de centrales nucléaires. RTE (Gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité, NDLR) le dit aussi dans son rapport, à savoir qu’aujourd’hui pour des centrales qui sont prévues pour durer 60 ans, il y a un problème de pérennité de l’accès à l’eau. Et en bord de mer, il y a le problème de submersion des côtes avec la montée des eaux. Plus les problèmes liés à l’aggravation de la violence des tempêtes, que ce soit sur la façade atlantique ou sur la Méditerranée. En effet, les climatologues estiment qu’avec le réchauffement de l’eau de cette mer, nous pourrions avoir des épisodes de type ouragans qui se déclencheraient et viendraient frapper nos côtes. Donc on voit bien que l’eau est un problème fondamental pour le nucléaire. Mais quand on interroge les spécialistes du nucléaire, ils ne donnent pas de réponses parce qu’ils n’ont pas de solution. 

D’ici 2025, Oragnge compte intégrer 50% d’énergies renouvelables dans sa consommation d’électricité. photo Orange

Selon vous, il faudrait mettre en place un mix d’énergies renouvelables ou il y a une énergie renouvelable à privilégier ?

T.G. : Non, il faut toujours des mix d’énergies parce que dépendre d’une seule énergie, c’est dangereux pour la sécurité d’approvisionnement. Et aujourd’hui on a suffisamment d’énergies. Il y a l’éolien, qu’il soit terrestre ou en mer. Nous avons le photovoltaïque. Et puis, il y a d’autres technologies que la France refuse de développer alors qu’elle les possède et qui sont les hydroliennes, c’est-à-dire ces espèces d’éoliennes qui utilisent le courant marin. Et rappelons-nous quand même parce que c’était l’un des grands projets du général de Gaulle, je veux parler de l’usine marémotrice qu’EDF veut fermer, chose que personne ne sait. EDF veut non seulement ne pas en développer de nouvelles mais ils veulent fermer celle de la Rance. Tout simplement parce que cette usine montre qu’une autre technologie que le nucléaire est possible, et donc pour eux c’est insupportable ! »

À lire aussi : Le nucléaire, une énergie d’avenir ?

Commentaires

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  1. Merci pour cet article qui apporte un autre son de cloche clair, dans le discours médiatique pronucléaire ambiant
    Le président de la république décide seul de la construction d’EPR et en fixera toujours seul le nombre. Alors que la Programmation Pluriannuelle de l’Energie est actée jusqu’en 2023.
    Des EPR qui ne verront peut-être jamais le jour. On peut regarder ci-dessous cette courte vidéo de la CRIIRAD qui donne des indications sur les problèmes que rencontre l’EPR 1de Taischan tête de série des EPR français
    https://www.youtube.com/watch?v=T1bn5ZKQuM0&t=4s
    Il faudra donc vraisemblablement revoir totalement les futurs EPR, des millions d’heures d’études.Est-ce vraiment nécessaire?
    Quand au SMR, Naval groupe se retire du projet.
    Christian Conte

  2. Ok! trop dangereux ( et il n’a pas été évoqué les déchets), trop cher, trop long à construire mais que fait-on … avec des gestionnaires-dirigeants qui continuent dans leur obstination. Serait-ce que l’addiction au nucléaire rend incapable de réfléchir ?

  3. Et il y a l’incroyable dédommagement d’EDF à des fournisseurs défaillants ( le canard enchaîné d’hier)
    La fabrication des moteurs de secours post-Fukushima par Westinghouse, moteurs qui ne démarrent qu’au bout d’une demi-heure, nombreux qui prennent feu, qui sont de vieux modèles, devait déboucher sur 63 millions de remboursement à EDF.
    Eh bien non, EDF a refusé cette somme et en plus a donné 110,5 millions d’euro à Westinghouse
    Le panneau stop qui illustre si bien l’article devrait être apposé sur le bureau de monsieur Lévy
    Existe t-il une action en justice pour un détournement d’argent injustifié?
    Christian Conte

  4. Article d’un militant antinucléaire de naissance, qui accuse nos élites d’être pronucléaires et de ne rien comprendre au sujet, alors que lui aurait tout compris : non M. Gadault, vous êtes totalement à côté de la plaque, parce qu’il vous manque du recul sur les possibilités technologiques, sur les risques géostratégiques et même, ce qui est un comble pour un économiste, sur la réalité des coûts.
    Sur ce dernier point, le meilleur des experts (le RTE) vient de publier une étude qui le démontre sans ambiguïté.
    Sur les aspects techniques, à part l’hydraulique, les énergies renouvelables sont intermittentes et demandent à développer, EN PLUS, des centrales au gaz.
    Et ce gaz vient d’Algérie et de plus en plus de Russie : en termes de souveraineté (et à l’heure où le sanitaire met cette exigence en exergue), ce serait une faute.
    Désolé M. Gadault, vous vous trompez sur toute la ligne, il faudra réviser votre copie.

    • Monsieur Studer,
      Il n’y a rien à répondre , vous êtes dans l’imaginaire.
      Christian Conte

  5. Encore du grand n’importe quoi: Mr GADAULT est expert dogmatique antinucléaire notoire et continue de reboucler sur ces arguments fallacieux, en espérant convaincre le pus grand nombre…..désolé ne vous laisser pas abuser.
    La France à son mix énergétique à 70% carboné, actuellement, et nous avons dépensé dans le secteur le moins carbone :l’électricité ( 5% de la facture GES) , 50Md€ en subvention pour la construction en 10 ans de 25GW ( 25 centrales nucléaires équivalent) en vent et soleil pour ne pas réduire les GES du a l’intermittence provoquée ,insolvable sans moyen de stockage à long terme.
    Il faut 400 fois plus de place pour faire de l’éolien, et consommer sur le champ ou effacer.
    Trois chiffres 1t d’U c’est 60000t de pétrole, pilotable, chaque réacteur ancien stocke 4 pétroliers de 250000t c’est la capacité de production des 6 parcs offshore prévus qui vont utiliser 1000km² . Certes quand ils produiront il faudra diminuer le nucléaire rapidement, mais quand pas de vent…..ou de soleil….comme les Allemands on démarre le charbon ou le gaz…la France a du nucléaire et fait baisser l’empreinte GES de toute l’Europe, sauve un peu son d’indépendance. La fermeture de Fessenheim encouragée par Mr GADAULT est une trahison à 15Md€ pour le contribuable client Français pas pour EDF, l’Allemagne se frotte les mains, elle nous a construit une centrale charbon neuve en face de la frontière…voilà qui démontre les élucubrations de Mr GADAULT. Une autre de taille, l’AIE a demandé d’arrêter de faire de l’électricité avec du carbonné (60% dans le monde) et y préférer a minima, car plus facile, les ENR, ce que l’Europe Allemande a traduit fermons le nucléaire et celui de la Françe et pour réguler l’intermittence des 100GW ( d’ENR installé soit le double de puissance nécessaire à la production électrique Allemande) du charbon et du gaz même récent l’Allemagne démontre l’arnaque faite à L’Europe, son kwh est 10 fois plus carboné que le Français, sans parler du reste de l’Energie.
    Affabulateur Mr GADAULT, ne perdez pas de vue que la CSPE (taxe sur l’électricité) a été perversement mise en place pour financer par le contribuable client Français l’outil de production au privé vent et soleil les fameux 25 GW, le montant est limité à 22.5€ /Mwh et ce n’est pas suffisant on tape sur les carburants en plus.(pour 42€/Mwh le nucléaire ARENH)…au lieu de s’attaquer au fioul , pétrole et gaz. On n’est pas du tout dans la lutte contre le climat mais dans la lutte pour maintenir un système ultralibéral en Europe au détriment en particulier du peuple Français qui grâce à son nucléaire s’abritait avec un peu d’indépendance, mais le marché de l’électricité en Europe mis en place notamment à l’aide de nos institutions fait son travail de spoliation….nous arrêtons là il y a tant a en dire :les prix négatifs les prix qui explosent à 10fois le revient, finalement le prix de l’électricité France qui augmente avec celui du gaz …on croit rêver …cela ne vous suffit pas et Mr GADAULT récidive et crache dans la soupe.
    Voilà pourquoi les politiques comprennent , le voile se lève sur le dogmatisme attisé par les puissances étrangères amies , les médias possédés par les libéraux extrême enfonce le clou pour modeler l’opinion à tel point que 70% des Français pensaient que le nucléaire faisait beaucoup de co²…..les dechets du nucléaires sont bien mieux maitrisé que la combustion qui fait 40000morts /an en France ( 7Millions dans le monde contre 10000 pour le nucléaire)
    Tien au passage en plus des 20 ans d’emissions de GES économisés en 40 ans c’est aussi 500000vies préservées sur notre territoire.
    C’est vrai il faudra du temps pour faire du nucléaire, mais déjà faisons durer ce qui existe, cela peut raisonnablement aller à 80 ans ! ( vous voyez le gâchis de Fessenheim),mais d’abord c’est une volonté politique sans détour, et une volonté collective, nous avons su faire en 10 ans alors que l’on partait de pas grand-chose, aujourd’hui il faut se remettre correctement au travail, pour tout d’ailleurs. Les Chinois ont su démarrer cette installation,voulue fort complexe au demeurant pour aussi des raisons politiques , torpillé de l’intérieur encore par les ingénieurs Allemands (SIEMENS) qui ont fini par quitter le navire quant la majorité des contrats leur revenait sur le matériel fournit. Si on y arrive pas on ira les chercher les Chinois, on n’est pas à une trahison près. Maintenant ils savent faire vite et bien !
    Dire qu’EDF est à la manœuvre , c’est allez fort dans le propos, depuis que les écolos, dogmatiques antinucléaires et anti EDF ont infiltré le pouvoir, Ministre, poste à responsabilité ADEME;RTE,CRE, et l’Europe, EDF est la vache à lait de tous
    Aller fermer les études sur ASTRID, encore une trahison d’état fomenté par les écolos dogmatiques se priver de 400 ans de production actuelle d’électricité en brulant 300 000t de combustible usé considéré depuis comme déchet ! bravo on ira chercher encore les Russes et le Chinois….
    Je passerai aussi sous silence toutes ces actions de transparence unique au monde, qui enrichi les opposants systématiquement qui’ils utilisent pour dénigrer à tort., et ruinent notre service public.
    La transition se fera par l’electricité et il en faudra beaucoup pour éliminer les 61Mtep de pétrole, production de plus de 700Twh en 2050 ?
    Donc EDF n’a pas la main mais subit , et notre outils de production passe au privé , les contraintes refilées à EDF. (Raccordements THT offshore, et raccordements divers par Md€/an) tout cela augmente les charges.
    Une centrale nucléaire a plusieurs moyens pour se refroidir, et peut n’utiliser que peu d’eau, mais il en faut c’est sur, ce n’est pas un problème majeur s’il est prévu à l’origine.
    Les centrales en bord de mer ont des équipements prévus pour résister au-delà des intempéries normalement prévisibles, et suite à FUKHUSHIMA de nombreux dispositifs complémentaires sont déjà été mis en place sur les anciennes et pris en compte pour les nouveaux projets, alors même que les côtes Française ne sont pas exposées au même niveau sismique et de loin que le Japon.
    Laisser supposer que L’ASN est complaisante pour EDF, je recommande aux lecteurs curieux d’aller inspecter son site et les études de l’IRSN, aucun pays au monde à un tel niveau d’expertise et de transparence et de pouvoir. Tous les principaux dossiers sont accessibles et explicités en terme compréhensibles, ainsi que toutes les inspections sur tous les sites ….encore du grand n’importe quoi, c’est vraiment une insulte aux milliers de personnes qui à chaque instant prennent grand soin pour maintenir la sureté de ces exploitations au plus haut niveau de sureté.et surtout assurer le courant au bout de l’interrupteur à tout moment.
    Pourquoi les faux concurrents d’EDF sont ils financés à ce point ,c’est de la trahison d’état tout simplement , ce qui est visé Mr GADAULT et vous êtes complice c’est la destruction d’EDF à terme. L’Europe y veille Hercule est prêt à s’exécuter.( après les élections et on pleurera comme pour ALSTOM la perte de nos savoirs faire.)

    • A BDJ
      Je me suis arrêté à fallacieux à la deuxième ligne de votre commentaire, qui signifie qui cherche à tromper, à nuire.
      Simplement madame ou monsieur il resterait 90 ans de réserve de minerais d’uranium dans le monde pour les 440 réacteurs en activités dans le monde. Tout doublement de la production d’énergie nucléaire diminuerait d’autant ces réserves.
      Et puis l’énergie d’origine nucléaire produite dans le monde ne représente qu’environ 2% de l’énergie totale.
      Une goutte d’eau.
      Christian Conte

  6. Il semblerait que les nerfs des nucleomaniaques lâchent …
    Ce n’est pourtant pas le moment : l’heure est au sang froid et à la raison .

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