Avec un soin très poussé, Valérie Lemercier nous retrace la vie d’une immense star de la chanson. Très inspirée de la réalité de son modèle, elle se livre à un numéro d’actrice exceptionnel pour nous faire vivre cinquante ans de la vie d’une femme chanteuse. Et on y croit, on est ému par les chansons comme par la banalité de ce personnage pourtant tout à fait à part.
Par Bernard Cassat
Dans de nombreux sketches, Valérie Lemercier est une enfant, elle joue l’enfant comme dans les jeux télévisés (« Mon papa, il m’a dit de pas le dire »). Elle déclare très souvent qu’elle aime ça. Dans son film, elle ne s’en prive pas ! Aline se révèle être une grande voix très jeune. Donc non seulement l’actrice joue son personnage agé de dix ans, mais un studio de trucage, Mikros Image, se charge du reste, réduit sa taille à celle d’un enfant, gomme ses rides. Pour un résultat absolument bluffant. La vie de la famille Dieu avec ses quatorze enfants tous musiciens, traitée comme une sorte d’opérette, est très réussie.
Elle est à peine adolescente lorsqu’elle rencontre Guy-Claude, le René de la réalité. Le film entre alors dans une autre partie, celle de son ascension dans l’opinion publique, celle de l’affirmation de son talent de chanteuse. Le travail sur la voix de Victoria Sio est incroyablement crédible. Avec le jeu de Valérie, elle font vraiment croire à ce personnage pourtant artificiel d’Aline, sosie de Céline. Certaines séquences de concerts sont saisissantes. La silhouette filiforme, la coiffure, les intonations de la voix font vraiment croire que la chanteuse est présente. Et l’immensité de la salle, le travail d’images sur le public, amplifie la déification de la chanteuse.
Pourtant, la question de la ressemblance reste secondaire. Ce n’est pas tout à fait un biopic sur Céline Dion, mais vraiment l’histoire d’Aline Dieu, personnage imaginaire parallèle au modèle. Et on comprend bien que les membres de la famille de la star aient pu rejeter ce film. Aline, c’est beaucoup plus la vie rêvée de Valérie, la vie de celle qu’elle aurait sans doute aimé être. La star absolue, la diva adulée du public, mais qui reste tout à fait ordinaire, comme l’indique la chanson de Charlebois reprise par le film. Charlebois, un chanteur lui aussi star mais lui aussi resté les pieds sur terre. Et surtout ce don quasi divin d’émouvoir le public par sa voix, par son art. La puissance du spectacle vivant, des concerts, de l’échange. Comme cette scène ou sa voix lui fait défaut, et où le public la rappelle en chantant à sa place.
Et puis cette incroyable histoire d’amour entre Aline et Guy-Claude son producteur qui devient son mari alors qu’il a au moins l’âge de son père. On a trop entendu les déclarations de la star réelle sur son René pour ne pas suivre cette histoire d’Aline et Guy Claude avec émotion. C’est pour une fois une histoire sans ombres ! Cet amour, juste montré à l’écran, n’a aucun accroc, sinon la difficulté d’Aline à être enceinte. L’opérette se poursuit jusqu’au bout.
Avec des personnages secondaires attachants. Toute sa famille québécoise, au bord de la caricature mais toujours sans ironie. Et surtout sa mère, jouée par Danielle Fichaud, cette femme qui pousse sa fille vers le spectacle et qui n’arrive pas à la lâcher, à se retirer, même lorsqu’elle est adulte.
On ne pourra plus voir ou écouter Céline Dion sans penser à Aline Dieu et à Valérie Lemercier. Comme dans cette scène ou perdue dans les rues de Las Végas, très tôt un matin après le décès de son homme, elle croise deux sosies d’Elvis qui lui donnent des conseils pour améliorer sa ressemblance avec Céline.
Aline finalement, pour des spectateurs ordinaires qui ne sont pas spécialement fans de la chanteuse, est encore plus intéressante que la vraie. Parce que Valérie Lemercier, dans son numéro d’actrice très poussé, démonte amoureusement, avec beaucoup de finesse, une vie d’artiste populaire à l’immense renom. Sous le parrainage de Christophe et de Robert Charlebois, elle nous entraîne dans deux heures de fantaisie qui font totalement oublier la réalité. Qui font du bien.
Aline
Scénario, dialogues, Valérie Lemercier, Brigitte Buc
Interprétation : Valérie Lemercier, Sylvain Marcel, Danielle Fichaud, Roc LaFortune, Jean Noel Brouté
Doublage voix Victoria Sio
Directeur photo Laurent Dailland
Droits des photos: RECTANGLE PRODUCTIONS/GAUMONT/TF1 FILMS PRODUCTION, DE L’HUILE/ PRODUCTIONS CARAMEL FILM INC./PCF ALINE LE FILM INC./BELGA PRODUCTIONS