Bassekou Kouyaté, un griot moderne et progressiste au Théâtre d’Orléans

Avant son concert de dimanche 21 novembre au Théatre d’Orléans, nous avons rencontré Bassekou Kouyaté. Après de nombreux concerts dans le monde entier, il commence une tournée européenne. Il a modernisé son instrument traditionnel, le ngoni. Il s’en sert pour transmettre non seulement la beauté de la musique, mais aussi un message très progressiste de paix auprès des jeunes.

Propos recueillis par Bernard Cassat

Aminata et Bassekou Kouyate pendant un concert à Bupadest. Photo Mupa

Le ngoni, comme la kora, sont des instruments du Mali ?

Oui, ça vient du Mandé, la région où vivent les Mandingues. Ce sont les Blancs qui ont découpé le territoire africain en pays. Le ngoni, c’est toute la région du Mandé, donc Mali, Gambie, Guinée et même un bout du Sénégal. La kora, ça vient de la Guinée Bissau, mais le n’goni, c’est du Mali, et aussi du Sénégal, Cote d’Ivoire, un peu partout en Afrique de l’Ouest. Là où il y a des griots, il y a des ngoni. Quand tu vois quelqu’un avec le ngoni, tu dis « bonjour, monsieur le griot, ça va ? ». En pays Mandé, tout le monde écoute cette musique. Mais pas du tout sur le plan international. Donc on a fait un orchestre de ngoni, et les gens ont dit « oui, c’est joli, le son est très bien ». En Occident, on pensait que c’était moi qui avait créé tout cela. Non, ça existait même avant Jésus Christ ! Mais nos parents ont joué seulement pour les rois, les grands guerriers, les marabouts. Les joueurs de kora, ils ont eu plus de chance, ils ont su sortir de leurs pays. Mais les griots du ngoni, non, ils sont restés à faire la musique du folklore.

Comment est fait un ngoni ?

Avant, c’était une calebasse ronde, mais c’est trop fragile. Maintenant c’est du bois. Recouvert de peau de vache. Et les cordes, c’était la queue du cheval. Maintenant, ce sont des cordes en fil à pêche. Ca sonne mieux. Il y a 4 cordes. Les plus vieux, 3 ou 4 cordes. Mais aujourd’hui, on va jusqu’à 7 et même 9. Avec mes enfants, on a même un ngoni basse.

Donc vous avez modernisé cet instrument ?

Bien sûr. Il faut s’adapter. Mon père, il tenait encore son ngoni comme dans la tradition, presque sous la jambe. Moi j’ai mis une bretelle, comme pour une guitare. Et ils ont tous dit, non, c’est pas possible, c’est pas la tradition… Mais on doit la changer ! Donc j’ai mis des pédales wouah wouah, ils ont dit non, ils ont dit « c’est devenu de la guitare » (rires). Mais à la fin, la jeune génération est venue. Tous ont voulu faire la même chose.

Les joueurs de ngoni sont des griots. Mais c’est quoi, un griot ?

Des musiciens, des chanteurs, des journalistes. Même plus. Pour se marier, par exemple, il faut un griot. Maintenant il y a la mairie, mais avant c’étaient les griots qui s’occupaient de la société. Même pour des problèmes entre toi et ta femme, tu passes par un griot. Et quand ils disent quelque chose, tu dois te conformer.

Il n’y a pas d’école de musiciens ?

Non, c’est dans la famille. Il y a une case des griots, et c’est là qu’on apprend, qu’on joue avec les anciens. Moi, j’ai joué avec mon père, il m’a enseigné le ngoni. Et je fais pareil avec mes enfants. C’est mon ainé qui joue le ngoni basse. C’est mon neveu qui joue les percussions, mon petit frère la calebasse. Et c’est ma femme qui chante.

Oui, Aminata, à la si belle voix. Chansons traditionnelles ?

Traditionnelles et modernes, un peu de tout. On parle de ce qui est bon pour nous, de ce qui n’est pas bon. C’est notre boulot, de dire la vérité. On parle de l’amour, de la paix, du droit des femmes, de la démocratie. On ne veut pas de la charia. On nous écoute beaucoup. Donc quand on dit ça, les gens, les jeunes nous écoutent. C’est pourquoi les extrémistes sont contre nous, ils ne nous aiment pas. Les gens savent que quand on dit quelque chose, c’est la vérité.

Donc c’est très politique ?

Oui, mais sans choisir un coté. On est au service de tout le monde, on doit dire la vérité. C’est une confiance très lourde. Si tu es de ce coté là, tu ne peux pas aller là. Donc il faut être au service de tout le monde. C’est ça que nos parents nous ont conseillé. C’est ça, être griot. C’est comme ça. On peut dire, bien sur, qu’on déteste les barbares. Et eux aussi nous détestent. Ils veulent nous couper les mains, ils veulent arréter la musique, ils veulent décrocher les photos de ton père, de ton grand père. Pas de télé, pas d’ordinateur, pas de musique. Tu dois rester comme ça. Ils forment les jeunes comme ça. Des jeunes qui n’entendent que ça, donc se font embrigader. C’est très grave.

Et le Mali est au centre de la tourmente ?

Oui. Si le Mali tombe, toute la région va tomber. Et si la région tombe, ils vont avoir plus de force. Ils combattent le monde entier. Donc le monde doit trouver une solution pour faire dégager ces gens. Ce ne sont pas des musulmans. Un musulman ne tue pas des gens comme ça. On doit faire face à la réalité. On ne sait pas où est la solution. Tout le monde est paniqué. On ne sait pas ce qui va arriver demain matin. C’est grave. S’ils viennent, ils vont nous tuer tous.

Vous travaillez à la paix ? La musique est du coté de la paix ?

Oui. Mêmes les richesses sont vaines s’il n’y a pas de paix.

Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba
Ngoni Bassekou Kouyaté
Voix Amy Sacko
Ngoni bass Moustapha Kouyaté
Percussions (yabara, tama) Mahamadou Tounkara
Calebasse, batterie Moctar Kouyaté

Dimanche 21 novembre 17h − Salle Barrault

Scène nationale d’Orléans

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