“Vivre entre la terre, le ciel, et la solitude”
Pour la scénographie de cette exposition, le désir de Jean Anguera était qu’il y ait le moins d’interrompu dans le lieu, de faire en sorte que les œuvres et leur poésie soient rendues d’une manière la plus accessible possible. En la collégiale figurent certes des sculptures, en résine de polyester, mais aussi de grands dessins, encres sur toiles. L’organisation des créations donne à l’espace une force spirituelle, quelque chose d’étal et sans frontière. Ce bel ensemble impressionnant est l’écho du sentiment de cet artiste pour qui la ligne d’horizon est “un passage où s’inscrit la minuscule verticalité de l’homme”.
Jean Anguera qui a fini par “se mouler” dans le paysage : “La plaine m’a appris la solitude lorsque l’on se trouve face à l’immensité qui se réunit en nous. Dans mon village et alentour, les gens de la terre sont là, complétement là et ils m’épatent” dit encore cet homme pétri d’humilité et de générosité dans un sourire reconnaissant.
Une exposition, telle une scène de théâtre
Au Puellier, la première œuvre date de 1985 et la dernière de 2020. Chacune fait sens et dialogue avec chacun, avec ce visiteur qui va souvent comme une ombre à telle ou telle silhouette. Jean-Anguera, encore : “Il y a celui qui regarde et la sculpture qui agit. Exposer est un immense bonheur. C’est comme si on écrivait une pièce de théâtre, les sculptures sont des acteurs, toute cette exposition est une scène qu’elles doivent jouer.”
Dans cet espace, Jean Anguera et Didier Girard, régisseur de la collégiale orléanaise, ont merveilleusement travaillé sur l’éclairage qui souligne et scrute les détails, l’intime, le vaste, tout cela dans un dense comme infini miroitement d’ondes et de nuances. Jean Anguera, de nouveau : ” Il faut que la lumière qui advient surprenne. Qu’elle soit semblable au choc que me provoque, à un moment donné, la pièce. Dans mon travail, il me faut surprendre la sculpture et me laisser surprendre par elle. Si une sculpture ne me surprend pas, je ne suis pas satisfait. Il faut qu’elle échappe, qu’elle soit une découverte dans le trouvé. C’est ce qui est emballant.”

Arpenter l’œuvre et la pensée. Photo Jean Dominique Burtin
Ascèse et sentiment d’infinité
Quant à la collégiale ? “Je suis en accord avec le lieu, en harmonie, comme l’est cette ascèse à laquelle oblige le paysage. Il y a ici la matérialité, mais aussi quelque chose qui oblige au sentiment de l’infinité”.
Et puis Jean Anguera rencontre les visiteurs : “Chacun vient avec ses interrogations et sa quête. On est toujours un peu malheureux de ne pas répondre à l’attente d’un visiteur et de ce qu’il espérait”.
Quant aux dessins : “Le dessin est une nécessité. Il m’explique la sculpture. Il est plus intelligent que cette dernière qui est intuitive. Avec elle, il s’agit en effet pour moi d’une approche à l’aveugle, d’un jeu d’enfant, tu as froid, tu approches, tu brules… Un dessin se fait quant à lui les yeux ouverts. Il m’est arrivé, lorsque le soir gagne l’atelier de continuer de sculpter sans que je m’en aperçoive. Tout mon travail relève d’un sentiment de présence. La pièce est sombre, mais il y aurait quelqu’un, on ne serait pas seul. Une présence est là, juste dans l’obscurité.”
Un peuple de visages figure également aux cimaises. Pour Jean Anguera , “l’art sert à donner un visage à l’homme”. Pour l’artiste, l’apparence sert, mais pas trop. Le portrait d’un autre est un prétexte pour partager un même moment. “Un portrait, c’est se quitter pour rejoindre l’autre, on ne peut pas se quitter mais se mélanger, se mêler” nous dit-il.
Voici ainsi au Puellier, des œuvres admirable composant une procession puissante et aérienne où s’inscrire, lover ses regards, se heurter fragilement, sonder au cœur du trouble. L’oeuvre est noire, une cendre pétrifiée qui écoute le regard. C’est une élévation.